Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/395

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
385
SECRÉTAN. — la métaphysique de l’eudémonisme

valeur propre après l’anatomie cérébrale ; et la métaphysique même, dont le nom tend à devenir une appellation dérisoire, pourrait en appeler d’une sentence fondée par des esprits d’un grand poids sur des considérations de valeur inégale, et reproduite jusqu’à la nausée par la foule docile des esprits légers. On a besoin, par le temps qui court, de se répéter quelquefois ces choses-là, pour ne pas trop rougir de son métier.

I

Eudémonisme.

Nous voulons donc chercher à comprendre l’être en général d’après la manière dont nous nous apercevons nous-mêmes. En suivant cette marche, nous serrons de plus près l’objet cherché qu’en substantifiant nos sensations, pour leur constituer hors de nous une existence hypothétique. Je suis, j’en prends conscience, et, fixant mon attention sur cette conscience elle-même, je la vois naître à la limite où s’arrête un effort. En m’’affirmant, je me circonscris moi-même : cette borne est la conscience ; l’affirmation primitive, ma propre et plus intime substance, germe dont tout procède et que tout sert à cultiver, c’est la volonté. Etre, c’est vouloir être, ou le mot être n’a point de sens. La notion de l’esprit s’élève sur cette base intuitive, et dans quelque mesure expérimentale, de la force qui se déploie ou de la pure volonté d’être.

Se réaliser, c’est se satisfaire ; le libre déploiement de l’être est plaisir, son refoulement est souffrance. Mais il ne faut pas s’abandonner aux illusions d’une logique purement verbale, en transportant à l’absolu ce qui n’est intelligible que du relatif. L’opposition du plaisir et de la peine est toute relative, inséparable de la quantité ; aussi bien passons-nous de l’un à l’autre par d’insensibles transitions. La volonté qui nous constitue, et qui devient en quelque sorte l’objet de nos perceptions, est une quantité finie ; son expansion la plus libre rencontre toujours une borne hors d’elle-même ; sans cette limite, nous ne comprendrions pas comment elle reviendrait sur elle-même pour s’apercevoir, pour se saisir. Toute limitation n’est donc pas souffrance, et le bonheur ne consiste pas à s’anéantir dans la diffusion. La différence des deux contraires est une différence du plus ou moins ; le sentiment agréable, quels qu’en soient l’espèce et l’objet, consiste en une volonté contenue, la douleur, dans une volonté comprimée ; mais il y a toujours limitation, toujours contact, et par suite réduplication, réflexion, retour sur soi-même. Ne dites pas que nous parlons