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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/396

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en métaphores et que nous introduisons des rapports d’espace où l’espace n’a rien à faire ; les termes dont nous nous servons s’offrent d’eux-mêmes pour désigner des rapports primitifs, où nos conceptions de l’espace trouvent peut-être leur type et leur origine.

Le sentiment est donc le premier effet du retour de la force à son point de départ, la première phase de l’acte par lequel elle se constitue en s’apercevant. La conscience de cet état ou de cet acte même est la conscience proprement dite, l’intelligence, où l’être se perçoit comme actif et passif à la fois, en se distinguant du monde extérieur, du non-moi, qu’il pose comme cause de sa passivité, de son sentiment, de ses affections, par l’application spontanée des lois de son activité, dont il acquerra plus tard la connaissance. Cette évolution, dont la formation du corps, du système nerveux et du cerveau seraient la contre partie, nous en affirmons la réalité, parce que nous ne saurions entendre autrement la genèse de la conscience, et que la conscience est manifestement un produit.

Nous pourrions ajouter que les dernières phases du moins de l’évolution se trahissent par d’imméconnaissables signes à l’observateur de la première enfance, quoiqu’il ne lui soit pas toujours aisé de démêler ce qui est réellement donné dans l’observation extérieure des idées préconçues au moyen desquelles il cherche à l’interpréter. À peine le nourrisson sort-il du monisme primitif dans lequel l’univers se confond avec sa propre existence, qu’il découvre dans ses sensations le signe d’activités analogues à la sienne propre, auxquelles il s’unit par ses affections en même temps que, par sa Conscience, il s’en distingue. Dès l’origine donc, l’esprit individuel se connaît lui-même comme partie intégrante d’un monde d’esprits, dont il subit incessamment l’influence et sur lequel il croit agir à son tour. La sympathie est contemporaine de la conscience ; l’enfant vit du sourire de sa mère, dont le regard attristé fait couler ses pleurs longtemps avant qu’il ait compris la joie et la tristesse : son premier cri n’est qu’une réaction machinale ; le second déjà est un appel, une parole, un commandement.

Ainsi le primitif sentiment de l’être dans son unité n’est point supprimé par la distinction des êtres ; il recule au second plan mais il persiste toujours : le multiple et le divers prennent racine dans l’unité qu’ils déguisent ; les dieux de l’anthropomorphisme primitif se fondent incessamment les uns dans les autres ; le besoin d’unité accompagne et presse le cours entier de l’évolution mentale ; l’esprit ne se constitue, en se dégageant du monisme de son premier rêve, que pour aspirer d’un effort conscient à l’intelligence de l’unité.

Telle est la source des religions et des philosophies ; la réflexion