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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/419

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BINET. — le raisonnement dans les perceptions

même qu’une sensation est le point de départ de la perception ; et cette sensation est suivie dans les deux cas d’une réaction intellectuelle qui nous donne la représentation d’un objet extérieur. D’autres preuves encore, tirées de la comparaison de l’illusion des sens (ou perception fausse) avec l’hallucination, démontrent que l’hallucination rentre dans la grande classe des perceptions, l’hallucination constitue la maladie de la perception.

Pour terminer le sujet qui nous occupe, nous n’avons plus qu’un mot à ajouter : la propriété qu’ont les idées de la perception d’être modifiées par nos mouvements et nos actes sert en partie à expliquer pourquoi l’esprit prend ces idées pour des réalités extérieures, au lieu de les ranger parmi les états subjectifs. Le fait seul que nous pouvons, à tout instant de notre choix, en exécutant les mouvements appropriés, faire renaître un état de conscience toujours le même, nous détermine à croire que cet état de conscience répond à une cause extérieure, indépendante de notre volonté. « Le point essentiel de ce procédé, remarque Helmholtz avec raison, est précisément le principe de l’expérimentation. » Néanmoins il est probable que d’autres causes encore concourent à produire cet effet, l’extérioration des idées dans la perception. La force et l’intensité que ces idées acquièrent généralement et le fait qu’elles ne s’éclipsent pas et ne s’évanouissent pas au contact des sensations, comme le font les idées de l’imagination et de la mémoire, sont des raisons trop importantes pour que l’esprit les confonde avec des sensations.

À un autre point de vue, la perception se présente comme le résultat d’un certain travail de l’esprit. Quelle est la nature de ce travail ?

La perception est une opération mentale dont le caractère propre est de se produire à la suite d’une impression des sens. L’impression est le stimulus qui en agissant sur notre organisme mental le fait réagir sous cette forme spéciale qu’on appelle une perception. C’est là la véritable définition de la perception, le caractère qui la sépare nettement des autres faits de conscience. La plupart des opérations qu’un homme accomplit avec son esprit roulent sur des idées abstraites et n’ont aucun rapport apparent avec le monde extérieur. La méditation d’un savant sur une loi de la nature, ou les calculs d’un marchand qui essaye de prévoir les prix d’un prochain marché ne sont pas des effets directs d’impressions présentes ; ce sont des phénomènes psychologiques qui se passent dans une sphère purement intellectuelle. De là la difficulté qu’on éprouve à étudier ces formes élevées de l’activité de l’esprit ; les phénomènes sont si vagues, si mobiles, si peu définis, lorsqu’on les aborde par la méthode subjective, que l’observateur le plus scrupuleux ne sait jamais faire la