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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/425

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BINET. — le raisonnement dans les perceptions

imprégnée de lumière, il y a des impressions visuelles qui sont senties plus vivement et plus distinctement que toutes les autres : ce sont celles qui se font sur la tache jaune ; autour de cette partie, les éléments nerveux décroissent en sensibilité, et cette décroissance, qui a eu lieu avec plus ou moins de rapidité suivant les directions que l’on suit, atteint son extrême limite lorsqu’on arrive aux parties les plus antérieures de la rétine ; à ce niveau, les éléments nerveux, restés à l’état embryonnaire, ne possèdent pas la sensibilité des couleurs, mais seulement un vague discernement de la lumière et de l’ombre. La distribution de la conscience rappelle la distribution de la sensibilité sur la surface de la rétine. Dans chaque perception, il y a des représentations mentales qui sont toujours accompagnées d’un état de conscience très vif ; autour d’elles, il y en a d’autres qui se tiennent sur les limites de la conscience ; il y en a d’autres enfin qui n’existent qu’à l’état de tendances obscures.

Les éléments de nos perceptions nous sont maintenant connus en détail ; ce sont des sensations et des idées. Après avoir étudié ces éléments, il faut rechercher comment ils sont groupés ensemble, et comment ils forment un acte de connaissance, car dans toute perception d’un objet extérieur il existe une conclusion, une décision, l’affirmation d’un fait quelconque, alors même qu’aucune proposition verbale ne traduit au dehors cet acte intellectuel. Il est admis aujourd’hui que les sensations et les idées sont les objets de la connaissance, mais qu’ils ne constituent pas la connaissance. On réserve ce nom à l’acte qui a pour objet une relation entre deux termes, comme la relation de cause à effet, la relation de position dans l’espace, la relation de moyens à fins, relations qui rentrent toutes sans exception sous les trois rapports de ressemblance, de coexistence et de succession. C’est le rapport de coexistence qui unit les deux groupes de sensations et d’idées présents dans une perception ; c’est ce rapport qui fait de la perception une connaissance. Lorsque nous affirmons, après une impression de la vue que « ceci est une orange », nous affirmons simplement qu’il existe un lien de coexistence entre notre impression visuelle et un certain nombre d’impressions idéales du toucher, du sens musculaire, du goût, etc., dont la réunion formes la notion d’une orange. Ces dernières impressions ne sont pas actuellement senties, mais nous jugeons que nous avons le pouvoir de les faire naître en exécutant les mouvements appropriés. L’affirmation : « Ceci est une orange, » est la proposition verbale qui traduit notre croyance à cette relation.

On peut donc tenir pour exacte la définition du raisonnement ainsi conçue : le raisonnement consiste dans l’établissement d’une relation