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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/432

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des localisations. Si l’on admet que chaque fonction intellectuelle, que chaque pensée, si abstraite qu’elle soit, a sa contre-partie physiologique, et que chaque état de conscience défini coexiste invariablement avec un état nerveux également défini, il faut admettre par vole de conséquence que deux états de conscience absolument semblables doivent être l’expression d’un même état nerveux. Cette idée est si naturelle qu’il suffit de l’énoncer pour la faire accepter. Ne peut-on pas dire, d’ailleurs, qu’elle est déjà acceptée en partie et tacitement par beaucoup d’auteurs ? On regarde aujourd’hui comme presque démontré que « l’impression renouvelée (c’est-à-dire l’idée) occupe exactement les mêmes parties et de la même manière que l’impression primitive ». Il me semble que cette théorie peut être interprétée comme un cas particulier du principe général que nous venons d’énoncer ; si on est amené à reconnaître le même siège à la sensation et à l’idée correspondante, c’est à cause de leur étroite ressemblance ; l’impression persistante que laisse un son après qu’il a cessé de retentir ressemble tellement à ce son qu’il est très naturel de penser « que l’impression qui continue vient de la persistance, à un moindre degré, il est vrai, des courants nerveux produits par le choc primitif. Et, s’il en est ainsi pour les idées qui survivent aux objets d’où elles viennent, il est probable qu’il en est encore de même pour les idées qui renaissent du passé, pour le souvenir du son autrefois produit. » (Bain, L’esprit et le corps, p. 94.) Nous pouvons appliquer à d’autres faits le même principe, et dire que, lorsqu’une impression des sens exactement semblable à une impression antérieure se produit, le courant nerveux qui est dégagé doit suivre le même chemin et intéresser les mêmes parties que le courant primitif, c’est par suite de la répétition de la même action physique qu’il se forme dans la matière nerveuse des voies mieux frayées que les autres, et que les courants suivent de préférence, parce qu’ils y rencontrent une résistance moindre ; disposition qui est le fondement de l’habitude. C’est encore là une vue de l’esprit que l’on retrouve aujourd’hui dans tous les ouvrages de psychologie inspirés 4 les idées de l’école anglaise.

III

Les perceptions ordinaires du monde extérieur, comme un grand nombre des actes de notre vie quotidienne, ne sont pas susceptibles d’analyse, à cause de la rapidité que leur imprime l’habitude. Une des premières conditions de la conscience est la durée ; les actes qui