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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/438

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intermédiaire représente ce qu’on appelle le moyen terme ; A et B représentent le petit et le grand terme.

En second lieu, il est possible de décomposer l’opération en trois parties correspondant aux trois propositions verbales des raisonnements logiques qui ont reçu les noms de majeure, de mineure et de conclusion ; ce curieux rapprochement est masqué en partie, par suite de l’impossibilité de traduire dans le langage de la logique consciente une inférence qui a pour objet des sensations (nous reviendrons tout à l’heure sur ce point) ; mais il faut savoir négliger les différences superficielles, et s’en tenir aux caractères fondamentaux, qui sont identiques dans les deux cas. On ne peut pas mettre l’opération mentale de la perception sous la forme d’une série de propositions ; mais une proposition n’est que l’expression verbale d’un fait psychique particulier, et ce fait psychique se retrouve dans l’acte de la perception. Ce qu’on appelle conclusion dans un raisonnement logique est représenté ici par l’opération de l’esprit qui affirme la coexistence de l’impression A et de l’impression B, de l’impression sensorielle et de l’impression mentale. Dans un raisonnement logique, la conclusion a pour objet d’affirmer une association entre deux objets, ou entre un objet et une propriété, ou entre deux événements ; ici, l’association est affirmée de deux sensations ; c’est toute la différence. De même, la mineure, correspond à l’acte par lequel l’esprit reconnaît la ressemblance de l’impression A et de l’impression A′. Dans un raisonnement logique, la ressemblance porte sur des objets, sur des propriétés et sur des événements ; ici, elle porte sur des sensations ; c’est encore toute la différence. Nous avons vu pour quelle raison l’assimilation des deux impressions ne se fait pas par un jugement réfléchi et délibéré, mais par un acte instinctif, qui le plus souvent passe inaperçu. Enfin, la majeure est représentée par le fait de connaître la coexistence de A′ et de B ; et l’on pourrait encore, s’il en était besoin, montrer l’analogie de cette opération avec la majeure d’un raisonnement logique. Cette partie de l’inférence n’est jamais représentée à l’esprit d’une manière distincte, mais elle n’en constitue pas moins une des pièces les plus importantes du mécanisme du raisonnement ; il est nécessaire que ce fait d’expérience, l’association de l’impression A′ à l’impression B, soit gravé dans l’esprit de la personne qui perçoit ; sans cela, il n’y aurait pas de perception possible. En effet, conformément à la succession d’états de conscience qui caractérisent un raisonnement, l’esprit passe de l’impression A à l’impression A′ et de celle-ci à l’impression B ; s’il n’existait aucune association entre l’impression A′ et l’impression B, l’impression B ne serait pas suggérée, la chaîne des