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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/44

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l’enchainement nécessaire des phénomènes. Admettons que l’existence de l’un n’est pas seulement le signe constant, mais la raison déterminante de l’existence de l’autre. Le conséquent est déjà dans l’antécédent. Dès lors, s’il n’y a qu’une pensée, c’est qu’il n’y a qu’un phénomène qui se transforme sans cesser d’être lui-même. Quel que soit le fait observé, il est en rapport avec tous les faits simultanés qu’il suppose et qui l’exigent, il sort de tout le passé, il prépare tout l’avenir. Nous pouvons aller en tous sens, développer sans fin la série de nos intuitions ; nous restons dans le même monde, dans la même pensée, dans le même phénomène. « Tous les phénomènes sont donc soumis à la loi des causes efficientes, parce que cette loi est le seul fondement que nous puissions assigner à l’unité de l’univers, et que cette unité est à son tour la condition suprême de la possibilité de la pensée[1]. »

La loi des causes efficientes résulte à priori du rapport de la pensée à son objet ; quelle doit être la nature des phénomènes pour qu’ils n’en soient que l’expression concrète, que la représentation sensible ? Tout est divers, tout doit être un. Comment se représenter : le déterminisme qui résout cette antinomie ? Comment fondre en un monde identique ces mondes qui diffèrent à la fois par leur situation dans l’espace et dans le temps ? Il faut d’abord que ces mondes successifs soient le même monde, considéré en des instants divers ; qu’ils expriment la continuité d’un changement, dont chaque phase ne diffère de la précédente que par la place même qu’elle occupe dans le temps. Mais le monde donné est aussi une diversité dans l’espace. Les états successifs qui diffèrent déjà par la place qu’ils occupent dans le temps doivent différer encore par la place qu’ils occupent dans l’espace. Le changement ne peut donc être qu’un changement continu et uniforme de positions. Pour que soient satisfaites les exigences de la pensée, il faut « que tous les phénomènes soient des mouvements ou plutôt un mouvement unique qui se poursuit autant que possible dans la même direction et avec la même vitesse ». Par là, l’un et le divers se concilient : l’antinomie est résolue. La diversité dans l’espace est ramenée à l’unité, il n’y a qu’un seul mouvement qui se poursuit sans fin. De même pour la diversité dans le temps, ce qui est n’est qu’une forme nouvelle de ce qui a été ; les états successifs expriment l’identité d’un mouvement qui varie ses apparences sans changer sa quantité et qui ne se transforme que parce qu’il se continue. Toutes les réalités qui constituent l’univers ne sont que les équivalents momentanés du mouvement primitif. Le

  1. Du fondement de l’induction, p. 54.