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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/45

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SÉAILLES. — philosophes contemporains

progrès du monde est le progrès d’une déduction. Le mécanisme nous donne ce que nous cherchions, un même phénomène identique sous des formes diverses. Tout doit s’expliquer mécaniquement, « le mécanisme étant, dans un monde soumis à la forme de l’espacé et du temps, la seule expression possible du déterminisme de la pensée[1]. »

« Il n’y a pas de question quelconque, qui ne puisse finalement être conçue comme consistant à déterminer des quantités les unes par les autres d’après certaines relations, et par conséquent comme réductibles en dernière analyse à une simple question de nombre. » Chaque progrès des sciences positives ajoute une preuve à cette affirmation d’Auguste Comte. La physique tend à n’être qu’un chapitre de la mécanique. La physiologie de plus en plus cherche à expliquer la vie par ses conditions physico-chimiques. La psychologie même s’efforce de trouver dans la structure et dans les lois du système nerveux la raison des phénomènes spirituels. Peut-être ne pourra-t-on jamais ramener par l’analyse à leurs éléments mécaniques, et reconstituer par simple addition, des réalités aussi complexes que l’intelligence et la volonté ou leurs manifestations historiques. Mais si les forces physico-chimiques se ramènent au mouvement, la vie à ces forces, l’intelligence à la vie, n’est-il pas conforme à l’analogie de considérer l’univers comme un ensemble de mouvements qui croissent en complexité sans cesser d’obéir aux mêmes lois ? Telle est la conclusion qu’impose l’étude de la nature.

M. Lachelier, en établissant à priori le mécanisme, n’accorde pas seulement à la science tels ou tels résultats désormais incontestables ; il fait entrer dans son système le principe et la conclusion de toutes ses découvertes.

La méthode dialectique n’est pas inféconde. Sans sortir d’elle-même, la pensée crée un monde, en détermine la nature et les lois. Le monde existe, puisque le déterminisme inflexible, qui est la condition de la pensée, nous montre en nous quelque chose qui ne dépend pas de nous. Est-ce à dire que le monde s’étende et dure en dehors de nous ? que par un miracle du raisonnement nous ayons trouvé le moyen de nous échapper de nous-mêmes, d’atteindre une substance étrangère ? Pour comprendre ce qu’est le monde du mécanisme, n’oublions pas de quels éléments et par quel travail nous l’avons créé. C’est d’idées qu’il est fait. Le mouvement suppose l’espace et le temps ; il disparaîtrait avec eux. Etant donné, avec ces formes à priori de la sensibilité, le déterminisme, c’est-à-dire une loi, une exi-

  1. Du fondement de l’induction, p. 63.