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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/440

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c’est un état de conscience formé par l’addition à l’impression présente de toutes les impressions que la vue du même objet a produites sur nous (mineure du raisonnement). Considérons maintenant combien est remarquable la conséquence de ce phénomène. Ces impressions renaissantes qui viennent renforcer, à notre insu, l’impression actuelle de la vue, évoquent dans l’esprit les impressions des autres sens, C’est-à-dire du toucher, du sens musculaire, de l’odorat et du goût, qui leur sont associées par contiguïté ; et c’est pour cette raison que, aussitôt après avoir-reçu la sensation optique causée par l’objet présent à nos sens, nous avons conscience de ces impressions tactiles, musculaires et autres, dont la combinaison nous donne la perception d’un objet extérieur et présent (conclusion). L’action successive de la loi de similarité et de la loi de contiguïté suffit pour expliquer cette opération mentale. Quant à la raison pour laquelle les idées suggérées dans l’esprit de l’observateur sont projetées au dehors, ou, comme on dit, extériorisées, c’est une question que nous avons déjà examinée.

Tels sont les phénomènes psychologiques qui composent une perception ; la production et la marche de ces phénomènes ont lieu selon des règles fixes et invariables, qui sont en dehors de la volonté et sur lesquelles la volonté ne peut rien. Lorsque nous dirigeons le regard vers l’endroit où l’orange se trouve placée, notre impression visuelle est suivie par une série d’inférences qui se déroulent constamment et nécessairement ; nous n’avons pas le pouvoir de restreindre notre conscience à l’impression brute causée par l’objet, c’est-à-dire à la sensation d’une tache jaune ; nous n’avons pas le pouvoir d’isoler cette impression des raisonnements nombreux qui la suivent et qui nous donnent la perception d’un objet déterminé sous le rapport de la grandeur de la forme et de la position dans l’espace. On peut dire que la formation d’une conclusion logique, quand les prémisses sont posées, est, comme la production d’un réflexe à la suite du stimulus approprié, une nécessité automatique. Il nous est aussi difficile de suspendre le raisonnement provoqué par une sensation que de nous opposer, par exemple, aux mouvements réflexes provoqués par un corps étranger qui s’engage dans la trachée. C’est que la perception représente ce qu’il y a de plus permanent dans l’expérience d’un individu, et l’état nerveux qui lui correspond est aussi fortement organisé que l’état nerveux des réflexes et des instincts les plus nécessaires à la vie.

Ainsi qu’on a pu s’en apercevoir à plusieurs reprises, le langage est impuissant à décrire ce qui se passe dans le raisonnement par lequel une perception est formée. C’est là et non ailleurs qu’il faut