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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/449

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ANALYSES.fr. bouillier. La vraie conscience.

la « nouvelle psychologie » est si fière. Mais ne lui demandez pas de reconnaître dans cette « prétendue » science nouvelle une découverte ou une conquête de la philosophie : à ses yeux, la science n’est ni ancienne ni nouvelle ; il n’y a qu’une seule psychologie qui s’enrichit avec le temps, vires acquirit eundo, et accepte toutes les bonnes volontés. M. Bouillier ne veut pas « qu’on lui vole son moi », selon l’ingénieuse expression de Michelet, mais il ne se croit pas obligé de s’absorber dans la contemplation de ce moi ; il aime, au contraire, à sortir de chez lui et à faire des excursions fructueuses et instructives dans le domaine entier de la philosophie. Voilà pourquoi les ouvrages de ce sévère gardien des traditions sont très lus et très estimés de la jeune génération des philosophes. Tel, selon la spirituelle expression de Bersot, se joue de la philosophie ou du moins joue de la philosophie ; M. Bouillier non seulement la prend au sérieux, l’aime et la cultive avec passion, mais, chose rare aujourd’hui, sait l’enseigner et la faire comprendre. Ne cherchez pas ici de brillantes variations sur un thème heureusement choisi : cherchez-y des convictions solides, une doctrine nette et précise, le sens profond de la réalité joint au goût des sérieuses spéculations.

Si M. Bouillier se défendait trop vivement de faire leur part aux nouveautés psychologiques, on serait tenté, par représailles, de le placer à la tête de l’école dont il gourmande les audaces. Son livre sur le principe vital et l’âme pensante marque à coup sûr une date importante dans la psychologie française : en l’écrivant, M. Bouillier a été le véritable initiateur de nos psychologues aux doctrines allemandes de l’Inconscient, aux recherches de la psychophysique, et aux découvertes des Anglais sur la physiologie de la pensée. L’animisme est une large et compréhensive théorie, destinée à donner aux idées des psychologues une direction nouvelle et à cimenter l’alliance de la science du corps avec la science de l’âme. On avait sans doute proclamé à diverses reprises la nécessité de cette alliance, mais c’est à M. Bouillier que revient l’honneur d’avoir montré la raison dernière et métaphysique de cette nécessité si souvent constatée. Le philosophe dont le solide bon sens ne s’est pas effrayé du paradoxe Sthalien et a su en dégager là profonde vérité ne peut guère s’effrayer des petites audaces de la psychologie nouvelle ni songer à leur refuser le droit de cité, pour peu qu’elles soient justifiées. Pourtant le titre même de l’ouvrage est déjà une protestation contre certaines prétentions. Il y a une vraie consciente et une conscience illusoire. « En dépit de toutes les théories nouvelles, de toutes les prétendues consciences, récemment imaginées par quelques psychologues plus ou moins physiologistes ou par certains physiologistes plus ou moins psychologues, la vraie conscience est pour nous l’ancienne, la seule qu’ont connue les plus grands psychologues de tous les temps… Nous ne connaissons pas d’autre conscience, ni plus grande ni plus petite, que la conscience humaine, la conscience personnelle, la Seule que nous connaissions directement, la seule qui arrive à dire : je ou moi ». (P. 3.)