Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/463

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
453
ANALYSES.g. bréton. Essai sur la poésie philosophique.

monde donnera gain de cause à M. Caro. Quant au second point, il en est qui tiendront à honneur de résister ; ils voudront nous proposer des doctrines qui nous « sauveront », à défaut des anciennes, qui ne peuvent plus, disent-ils, nous sauver, parce qu’on n’y croit plus. Ceux-là, on ne peut que les attendre et leur souhaiter bon courage. S’ils se proposent de substituer aux préceptes de la morale spiritualiste la nécessité où est la société de défendre contre tout déchirement l’unité de sa conscience collective, ils réfléchiront, je pense, que beaucoup veulent précisément déchirer cette société, prétendant que de son organisation et de sa tyrannie vient la plus grande partie du mal dont souffrent les hommes. Ils s’appliqueront donc à justifier ce principe même, à nous montrer dans la société autre chose qu’un état de fait, livré à tous les hasards de la lutte, abandonnant sa destinée au triomphe inévitable de la force. S’ils ont encore l’espérance de faire quelque fond, nous ne disons pas sur la physique et sur la chimie, mais sur le respect de la loi positive ou sur l’instinct, on ne peut que les engager à lire consciencieusement le livre de M. Caro ; ils s’épargneront, croyons-nous, un travail inutile.

Henri Joly.

Guillaume Bréton.Essai sur la poésie philosophique en Grèce. Xénophane, Parménide, Empédocle, Paris, Hachette, 1882, in-8o, 270 pages.

Un pareil essai pouvait être compris de deux façons bien différentes ; M. Bréton a voulu traiter le sujet sous les deux points de vue, développer à la fois le côté littéraire et le côté philosophique de la question ; peut-être, en se restreignant à l’un d’eux, eût-il pu faire une étude, je ne dirai pas plus brillante, mais en réalité plus approfondie.

L’unité de l’œuvre roule sur ce problème : Quel était des trois systèmes étudiés le plus favorable à la poésie ? M. Bréton se prononce pour celui d’Empédocle, dont la philosophie lui semble se résoudre naturellement en un poème.

Pour Xénophane, à la vérité plus poète que philosophe, sa position contre l’anthromorphisme aurait donné à ses vers un avantage réel sur les formules mythologiques, dont M. Bréton raille agréablement l’abus. Quant à Parménide, son système aboutit à une logique sans vie, incompatible avec la poésie ; notre auteur lui oppose Héraclite, dont la pensée lui semble se prêter bien mieux à l’essor de la Muse, et il émet l’opinion que, dans la partie de son poème consacré à la δόξα, Parménide a dû, en réalité, développer à peu près le thème que l’Éphésien a traité dans sa prose obscure. En dehors de cette question, le côté littéraire proprement dit est à peine effleuré.

L’inconvénient du problème, tel que se l’est posé M. Bréton, c’est qu’il n’aboutit réellement pas à une conclusion pratique. La valeur de trois poètes en particulier est évidemment indépendante de leurs opinions philosophiques.