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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/470

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cessairement soumis au devoir et aux exigences de l’art de divulguer, d’expliquer, d’enseigner. À ce point de vue, la pédagogie est une science plus universelle encore que la logique. Si nous ajoutons que son universalité s’étend à toutes les races et à tous les individus, nous aurons assez bien marqué l’importance sociale de « cette noble science ».

Mais ici se pose tout naturellement cette question : la pédagogie a-t-elle vraiment le droit de porter le nom de science ? Oui et non, répond l’auteur. Elle est un desideratum, une possibilité démontrée ; elle n’est pas encore une science faite. Je me demande si la nécessité de démontrer que la pédagogie scientifique n’est pas une entreprise vaine justifie l’exposé critique des classifications des sciences que l’auteur développe avec une certaine complaisance. Nous aimons mieux suivre P. Siciliani à la recherche du criterium le plus convenable pour interpréter les faits de l’éducation dans une période donnée.

Cette recherche a pour condition préalable la connaissance des vrais rapports qui existent entre la théorie pédagogique et l’histoire de la civilisation. Jusqu’ici, ces rapports ont été, en général, mal compris. Il y a des pédagogues qui entendent l’histoire de la civilisation, mais ne s’en servent pas : tels sont les pédagogues d’Angleterre, et, entre autres, ses plus savants philosophes, qui ont porté de nos jours leur attention sur l’école, l’instruction et l’éducation. Que de germes féconds, que d’idées géniales dans Spencer, dans Bain, dans Mill ! Mais les idées de Spencer sont souvent rétrécies ou faussées ; celles de Bain sont en quelque sorte campées en l’air ; celles de Mill privées de base, comme sa doctrine de l’individualisme, parce que les théories de ces penseurs éminents n’ont pas été confrontées avec les résultats de l’enquête historique. Ce qui est un défaut de la pédagogie philosophique de l’Angleterre fait l’un des mérites de la pédagogie allemande. Il n’est pas un pédagogue d’outre-Rhin qui, en écrivant sur les théories, n’ait l’œil fixé sur l’histoire, et qui ne les fasse pour la plus grande partie jaillir de l’histoire. « Le pédagogue allemand sait que pour la civilisation moderne l’histoire pédagogique est plus qu’un document, et que pour la sociologie elle est plus qu’un instrument. Mais voici l’écueil. Si cette théorie vient à pêcher par exclusion, qui ne voit que l’évolution historique, sur laquelle elle reflète sa lumière, est bel et bien viciée dans ses interprétations ? » Une histoire pédagogique peut défigurer les faits en les subordonnant à des fins politiques, à des conceptions métaphysiques, à des intérêts religieux. Or, on peut affirmer sans craindre un démenti que les historiens pédagogiques de l’Allemagne sont tombés dans ces erreurs, surtout dans la dernière. Citons, entre autres, l’historien Schmidt et le théoricien Riecke. En général, « le défaut capital des pédagogues allemands est de vouloir nous donner plus qu’une philosophie et plus qu’une critique, une métaphysique de l’histoire. »

Comment éviter ce défaut ? Évidemment, selon P. Siciliani, en reconnaissant les rapports intimes qui existent entre la civilisation et