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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/471

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ANALYSES.p. siciliani. Storia critica, etc.

les conceptions pédagogiques. De même que la méthode la plus convenable pour l’histoire de l’éducation sera celle qui est propre à l’histoire de la civilisation, c’est-à-dire la méthode positive, de même le critérium le plus sûr pour interpréter les faits de l’éducation sera fourni par la philosophie positive, et il ne pourra être autre chose que la conception de l’individu humain dans l’évolution historique. La valeur d’une pédagogie, comme d’une civilisation, est mesurée par le respect accordé à la personne humaine dans le milieu social, dans la famille, l’école, l’association, l’État. Que ce critérium soit le plus important de tous, et qu’il soit même suffisant, ce sont là des questions dont la discussion nous entraînerait trop loin et qu’il nous suffit d’indiquer.

Voilà donc le point de vue auquel P. Siciliani s’est placé pour apprécier l’évolution parallèle qu’il y a lieu d’établir entre les diverses phases de la civilisation et les phases contemporaines de l’éducation. C’est cet idéal du respect de la personne humaine qu’il demande successivement à l’antique Orient et aux anciens peuples de l’Occident, à la Chine, à l’Inde, à l’Égypte, à la Perse, à la société hébraïque, hellénique, romaine, au christianisme de la primitive Église, au christianisme catholique, à la Renaissance et aux temps modernes. C’est ce but final de la civilisation et de la pédagogie qu’il nous montre se réalisant par degrés depuis les origines de l’histoire jusqu’à nos jours, malgré toutes les irrégularités et toutes les contradictions apparentes (corsi e ricorsi storici) de cette lente et progressive évolution. C’est encore d’après ce critérium élevé qu’il juge à nouveau les maîtres tant de fois appréciés de l’éducation scientifique, Coménius, Locke, Rousseau, Basedow, Pestalozzi, Diderot, les réformateurs politiques de notre grande révolution, enfin Emmanuel Kant. Cette riche matière, quoique bien condensée, sinon écourtée, constitue les trois quarts du livre, que nous n’avons pas à analyser dans toutes ses parties.

Nous avons dit le nécessaire. Nous nous permettrons seulement de signaler au hasard quelques chapitres ou monographies dont la lecture nous a plus particulièrement intéressé. Citons d’abord le chapitre V du second livre, dans lequel l’auteur apprécie, à la lumière de la critique moderne, la singulière valeur de Jésus pédagogue, l’originalité de l’institution chrétienne, et son influence persistant encore jusqu’à notre époque. En ce qui concerne la pédagogie française depuis le seizième jusqu’au dix-huitième siècle, il s’est librement inspiré de l’œuvre importante de M. Compayré. Il a aussi tiré tout le parti désirable de l’étude dans laquelle M. Henri Marion a si délicatement profilé le portrait pédagogique de J. Locke. S’il juge peut-être un peu trop favorablement le recueil d’observations pédagogiques de Kant, qu’il appelle avec les Allemands « un petit livre d’or », il a compris à merveille et largement retracé l’œuvre pédagogique de notre immortelle Convention. Notre conclusion est que l’Histoire critique des théories pédagogiques fait autant d’honneur à l’érudition qu’au sens philosophique de l’auteur.

Bernard Perez.