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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/490

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sortis, la tâche serait longue. Nous devons nous arrêter à ceux que M. Köstlin regarde en particulier comme ses prédécesseurs.

On a publié de Schleiermacher, qu’il cite avec raison, des leçons sur l’esthétique, où se fait sentir l’influence d’un autre système (celui de Schelling) ; mais la part principale revient encore à l’idéalisme subjectif de Kant et de Fichte. Ainsi l’activité esthétique ou artistique y est donnée comme une des formes essentielles et principales de l’activité humaine. Son but est de révéler à l’homme la conscience pleine et entière de sa liberté spirituelle. Cette activité a sa place et son rôle parmi les autres activités dans la totalité de la vie humaine. De plus, l’art dans la vie des peuples joue un rôle essentiel ; le point de vue de la nationalité chez cet auteur est un Caractère qui distingue son esthétique, qui n’est qu’une philosophie de l’art, L’art est une des formes essentielles et principales par lesquelles se révèle et se manifeste le génie national. Les peuples vivent de la vie esthétique, comme ils vivent de la vie morale, sociale et religieuse. L’art porte le cachet des nationalités à tel point que ce qui est particulier à l’imagination de tel ou tel peuple ne peut s’appliquer à l’imagination et au goût des autres peuples. Il n’y a pas de règle commune, pas de critérium qui puisse faire juger de leur valeur générale et absolue. Nous n’avons pas à juger cette doctrine, mais à signaler l’extension que prend le problème de la vie esthétique. Seulement, lui aussi, Schleiermacher, qui est à la fois théologien, métaphysicien, dialecticien, est avant tout moraliste ; la solution retourne au point de départ. L’activité esthétique rentre également dans l’activité morale. C’est toujours de l’éthicisme substitué à l’esthéticisme, dirions-nous volontiers, pour nous servir de la terminologie allemande.

Dans cette revue, nous ne pouvons passer sous silence un autre philosophe, que M. Köstlin ne mentionne pas et dont la doctrine présente la vie esthétique sous un aspect qui n’est pas sans analogie avec le sien. L’idée fondamentale de la philosophie de Krause, on le sait, c’est d’organiser la vie totale de l’humanité en la rattachant à son principe, la vie universelle et divine. Dans cet organisme total, la vie esthétique constitue un organe particulier, essentiel et distinct, quoique relié aux autres organes, une unité fondamentale. Le beau est une des unités en qui se développe l’unité totale ou absolue. L’art en est la représentation idéale. La première place dans l’art est donnée à la belle vie, au bel art de la vie, comme dit l’auteur. Le trait caractéristique du système est de trouver partout le lien qui unit tous les membres qui concourent à l’harmonie universelle. La pensée est vague ; mais la préoccupation est visible d’assigner à la vie esthétique une place distincte et indépendante.