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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/498

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avouer que le terme est bien vague. Ce point capital de la doctrine aurait besoin d’être éclairci et approfondi.

Il s’agit de savoir d’abord ce qui constitue le véritable intérêt. M. Köstlin n’a que des mots comme ceux-ci à nous donner : c’est ce qui touche, ce qui émeut, etc., ce qui plaît, ce qui agrée, etc. De plus, il s’agit de savoir ce qui est spécifiquement intéressant, au point de vue esthétique. En quoi se distingue l’intérêt esthétique de tout autre intérêt scientifique, moral, politique, religieux, etc. ?

Là-dessus encore, M. Köstlin ne s’explique pas. Il se borne à dire qu’il n’exclut rien précisément là où il fallait exclure. Il répète que par esthétiquement intéressant il entend tout ce qui intéresse homme véritablement, ce qui le touche, ce qui fait le fond de la vie humaine dans toutes les sphères de son activité intellectuelle, morale, politique, religieuse, etc. « L’intéressant, dit-il, c’est le véritablement humain. » Il répéterait volontiers le nihil humani a me alienum puto. Il ne voit pas que c’est précisément ce qui manque à sa définition.

« La matière esthétique (Stoffœstetische), c’est le monde du sujet, le monde propre de l’esprit, c’est-à-dire le monde réel, en tant que le sujet (l’esprit) peut s’y reconnaître et se l’approprier, s’y retrouver et y être chez lui, etc. Ainsi le monde entier de l’esprit à la fois sujet et objet, c’est là ce qui constitue la vérité esthétique. »

L’auteur s’étend longuement sur un autre côté, l’intérêt esthétique de la forme. On voit qu’il cherche à se rapprocher sur ce point, autant que possible, de la doctrine herbartiste, qui, on le sait, fait consister le beau essentiellement dans la forme, ou dans les rapports qui plaisent immédiatement à l’esprit (Wohlgeffallende). Il s’efforce de concilier cette théorie avec la théorie idéaliste, celle de l’accord de la forme avec l’idée et de leur pénétration réciproque, ce qui se résout dans l’expression. La forme dit M. Köstlin, plaît par elle-même, et son importance esthétique est souveraine ; mais, pour plaire, elle a besoin de certaines qualités qui sont en elle et qui lui viennent du contenu qu’elle représente. Elle peut nous plaire sans doute déjà en elle-même par sa clarté, sa visibilité (Anschaulichkeit). La forme esthétique est bien celle qui apparaît avec ce caractère, qui la rend non seulement claire et visible, mais attrayante et intéressante ; pour cela, il faut qu’en elle se laissent voir des qualités qui sont celles de l’esprit ou qui intéressent l’esprit : l’unité et la variété, la proportion, la régularité, la symétrie et l’harmonie. Toutes ces qualités la rendent agréable aux yeux, mais en même temps à l’esprit, car elles lui donnent une signification réelle. Sous ce rapport, il n’y a pas même que le beau qui nous intéresse ; le laid esthétique produit cet effet. Seulement il ne nous satisfait pas, parce qu’il ne nous plaît pas. La belle