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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/499

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bénard. — la vie esthétique

forme au contraire nous plaît et nous satisfait pleinement. La belle forme, c’est la forme qui ne choque pas, qui ne détruit pas la forme vivante, facile, gracieuse et harmonieuse, visible dans ses proportions, sa régularité, sa symétrie.

Tout cela, quoique fort juste, ne résout pas le problème. Cela ne nous dit pas ce qu’est l’intérêt esthétique ni le beau dans sa généralité. Qu’est-ce que le beau ? Quelle est au juste son idée ? Qu’on lise attentivement ces pages ; rien de précis n’est formulé sur cette question capitale, qui demandait à être traitée d’une façon rigoureuse et philosophique.

L’auteur flotte entre les théories kantienne, herbartiste, hégélienne, etc. celle de la forme qui plaît (Wohlgefallen), qui ne choque pas, qui est régulière, etc., et la définition qui en fait l’expression d’une idée, d’une force vivante et animée, de la beauté comme quelque chose à la fois de sensible et de spirituel (sowohl etwas Sinnliches als Geistiges, p. 14).

De là, l’auteur passe à la théorie spéciale du beau, qu’il divise en deux branches, le beau de quantité et le beau de qualité. Dans ces deux catégories se rangent, selon lui, toutes les formes et tous les genres de beautés. Cette partie du livre offre un véritable intérêt. L’auteur y fait preuve d’un grand talent d’analyse ; ses descriptions surtout relatives à la forme, à la régularité, à la symétrie, aux proportions, etc., de même tout ce qui concerne l’expression, l’harmonie, etc., où il trouve moyen d’encadrer les questions les plus importantes de la métaphysique du beau : le laid, le tragique, le comique, etc., conservent une grande valeur indépendante de la théorie et de la classification systématique. Nous ne pouvons le suivre sur ce terrain. Si l’on cherche à dégager la pensée générale qui ressort de toutes ces analyses et de ces détails, on arrive à cette conclusion que l’auteur exprime lui-même (p. 319), en ces termes :

« Finalement, la forme ne peut pas se séparer du contenu ni le contenu de la forme. Le contenu apparaît toujours dans la forme. La forme est toujours liée à un contenu ; elle doit être avec le contenu dans une unité et un accord parfaits (in Einheit und Einstimmung). De là l’immutabilité, l’invariabilité du beau. La beauté est toujours et partout la même. Son côté mobile et divers s’explique par les développements et la variété de ses formes. »

Ce qui ressort de plus clair de toutes ces analyses où l’abondance des détails nuit à la clarté de l’ensemble, c’est que l’auteur s’efforce de combiner les résultats de la doctrine kantienne et herbartiste avec ceux de l’idéalisme hégélien, où le fond, c’est-à-dire l’idée, se marie étroitement à la forme, mais où celle-ci s’efface trop pour laisser