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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/506

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L’OBLIGATION MORALE

AU POINT DE VUE INTELLECTUEL


l’attente et le devoir

I

Les causes qui ont donné naissance au sentiment du devoir sont extrêmement complexes et de nature diverse. Les unes sont d’ordre intellectuel, les autres d’ordre passionnel, d’autres enfin rentrent à la fois dans ces deux groupes. Les premières ont été peut-être les moins étudiées ; c’est l’une d’elles que je voudrais mettre en lumière ici. Je commence donc par prévenir que je n’entends pas exposer une théorie complète de la formation du sentiment de l’obligation morale. Je voudrais montrer simplement quel rôle important a joué et joue encore un élément purement intellectuel, l’attente. L’analyse nous le montre dans la notion du devoir telle que l’ont actuellement la plupart des hommes, et nous le fait voir avec plus de netteté encore peut-être dans la notion rudimentaire ou dans le germe de notion que possèdent l’enfant ou le sauvage. La synthèse permet, en partant de ce fait relativement simple, étant données les autres facultés de l’homme, de reconstruire l’idée complexe et le sentiment correspondant qui se sont peu à peu formés dans notre race.

Il est une chose curieuse à remarquer et qui a, je crois, une certaine importance : c’est que le mot devoir a un double sens ; il marque tantôt à la fois l’idée de futur, tantôt celle d’obligation morale. Ces deux idées, qui nous paraissent entièrement différentes et même quelquefois presque opposées, ne se rejoignent-elles pas cependant ? Il y a de fortes raisons de le croire. La réunion des deux sens sur un même mot en est une qu’il ne faut pas exagérer. Remarquons cependant encore le double sens du mot obligation, qui indique une nécessité inéluctable, c’est-à-dire, en somme, un fait qui se produira fatalement dans l’avenir, et un devoir auquel nous pouvons nous