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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/558

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a été si fortement combattue, surtout par M. Vulpian, qu’elle n’est presque plus soutenable. Récemment, M. Brown-Sequard a proposé une nouvelle théorie ; il suppose l’existence dans le système cérébro-spinal d’éléments dynamogènes et d’éléments inhibiteurs ; de là, suivant que l’excitation porte sur l’un ou sur l’autre de ces appareils, la suractivité ou l’arrêt. Cette théorie, en raison surtout des applications qu’on en peut faire en psychologie aux phénomènes de la volonté, si souvent analogues à des phénomènes d’arrêt, comme l’a remarqué M. Ribot, méritait un examen approfondi. M. Richet s’est contenté de l’indiquer, ainsi que la théorie de l’interférence nerveuse, énoncée déjà par Cl. Bernard. L’importance de ces questions ne lui a évidemment pas échappé ; mais le caractère de leçons qu’il a donné à son livre a encore arrêté ici, ce semble, des développements critiques utiles.

L’auteur passe ensuite rapidement en revue les conditions d’exercice des réflexes et les différents réflexes. Il retrouve dans cette étude l’occasion de formuler de nouveau une conclusion qu’il a été amené déjà à poser et qui ressort de l’examen de la nature et des conditions de l’acte réflexe : à savoir que les actions cérébrales, encore que bien plus compliquées que les actions médullaires, offrent le type réflexe. Il s’agit toujours pour les cellules nerveuses de transformer une force extérieure en une réaction de l’organisme. C’est ainsi qu’une émotion agréable produit une accélération du cœur et une émotion douloureuse un arrêt de cet organe.

Arrivent maintenant les dernières leçons, qui, traitant des conditions de la vie du cerveau et de l’irritabilité cérébrale, sont fort importantes au point de vue philosophique. M. Richet signale dans une étude assez brève, mais très précise, les conditions qui président à l’exercice des fonctions cérébrales. Ces conditions ne diffèrent pas de celles que nécessitent la vie du muscle et la vie du nerf, c’est-à-dire, d’une façon plus générale, la vie de la cellule. Le cerveau dépend d’abord de l’état de la circulation. L’auteur, par l’analyse des travaux faits sur ce point[1], montre les rapports qui existent entre les excitations sensitives, sensorielles, les émotions, le travail intellectuel et la circulation cérébrale. Celle-ci est activée par toutes ces causes. Mais que la circulation cesse d’être normale, et toutes les fonctions cérébrales s’altèrent. La congestion et l’anémie du cerveau montrent clairement qu’il en est ainsi. M. Richet est donc bien en droit de conclure que, « pour l’intégrité des fonctions du cerveau, il faut un courant sanguin oxygéné, passant régulièrement dans la substance nerveuse. Il n’y a de conscience, d’intelligence, de volonté, d’énergie morale et de force physique que si la circulation cérébrale est intacte » (p. 829). Mais il ne suffit pas que le cerveau reçoive une quantité suffisante de sang ; il faut encore que ce sang reste à une certaine température : le froid fait disparaître l’activité

  1. La Revue a rendu compte de quelques-uns de ces travaux ; voy. les nos de novembre 1881, p. 553, et de février 1882, p. 195.