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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/571

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ANALYSES.wallace. Aristotle’s psychology.

a dit, nous souvenant de cela seul qu’il a voulu dire. En philosophie comme en morale, il faut faire grande la part de l’intention ; d’intention, M. Vallier est donc disciple de Kant ; il a ses moments d’hétérodoxie ; cela, il le sait plus que personne ; mais qu’y faire, et comment ne pas s’y résigner quand on a le bonheur d’être tout à la fois philosophe et artiste, choses différentes, bien près d’être incompatibles ? Si M. Vallier était moins artiste, la philosophie morale y aurait gagné une œuvre forte et par certains côtés définitive ; mais nous y aurions perdu beaucoup : nous y aurions perdu l’écrivain délicat qui s’est révélé dès son premier ouvrage et nous a donné, sur un sujet de métaphysique abstraite, une œuvre littéraire comme il en est bien peu parmi celles de nos jeunes écrivains. Les amateurs d’ « extraits » trouveront à se satisfaire, et le nombre des passages à retenir ne déconcertera point leur patience. Le livre de M. Vallier est fait d’épisodes, et la composition, si j’ose dire, en est rhapsodique. C’est ce qui en rendra la lecture tour à tour attrayante et laborieuse.

Certains critiques ont insisté sur ce qu’ils appellent le « stoïcisme » ou le puritanisme de M. Vallier. Je m’en étonne : outre que la morale de l’auteur est en même temps la moins relâchée et la moins impraticable de toutes, elle se présente sous des dehors aimables. Elle a reçu la naissance dans un milieu aristocratique, c’est possible ; mais elle sait descendre et ne point dégénérer. Au temps de la Grèce ancienne, l’auteur de l’Intention morale n’aurait pas eu l’austérité de l’école du Portique ; de notre temps, il ne s’enrôlerait point dans « l’armée du salut ». Ni stoïcien, ni puritain, M. Vallier ne voudrait être ; il lui suffit, sans doute (et à combien, cela ne suffirait-il point ?) d’être un fin moraliste et un élégant virtuose.

Lionel Dauriac.

Wallace. Aristotle’s psychology, in greek and english, with introduction and notes. (Cambridge, at the University press, 1882.)

Cette nouvelle édition du Traité de l’âme d’Aristote est précédée d’une Introduction qui, à elle seule, est un travail considérable. L’auteur, avec une compétence parfaite et un sens critique très sûr, étudie les différentes questions que peut suggérer la psychologie d’Aristote, en qui il voit le véritable fondateur de cette science. Jusque-là, les faits psychiques n’avaient guère été examinés en eux-mêmes et pour eux-mêmes ; chez Platon, notamment, les observations psychologiques, précieuses d’ailleurs, qui sont éparses dans les dialogues, sont presque toujours mêlées à des considérations mystiques qui en altèrent singulièrement la valeur scientifique. Aristote est le premier qui ait nettement distingué les différentes phases de ces manifestations de la vie et de la pensée, sans perdre de vue les rapports qui les unissent soit entre elles, soit avec l’ensemble des phénomènes. Ici comme partout, il sut appliquer avec un égal bonheur les deux procédés de la synthèse et de l’analyse.