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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/572

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M. Wallace se demande d’abord quelle place il convient d’assigner aux traités et opuscules psychologiques dans l’ordre chronologique des œuvres d’Aristote. Pour des raisons qu’il serait trop long de rapporter, M. Wallace croit pouvoir avancer que les ouvrages se rapportant à la fois à la logique et à la rhétorique, comme les Topiques, ont été composés les premiers ; vinrent ensuite les Analytiques et la Rhétorique, puis les traités relatifs à la morale et à la politique. Il semble que ceux-ci furent suivis par les ouvrages de philosophie naturelle, la Physique, le Περὶ οὐρανοῦ (s’il est d’Aristote), le Περὶ γενέσεως καὶ φθορᾶς, la Météorologie. Ici se placeraient soit l’Histoire des animaux, soit le Traité de l’âme ; peut-être, selon une conjecture très probable de Zeller, l’Histoire des animaux fut-elle commencée avant le Traité de l’âme, mais terminée seulement après. Quoi qu’il en soit, la composition du Περὶ ψυχῆς ne précéda que de très peu celle des opuscules désignés ordinairement sous le titre de Parva naturalia. La Métaphysique ferme la liste ; ce fut le dernier ouvrage d’Aristote, au moins sous la forme où elle nous est parvenue, car il n’est pas douteux que les principales idées contenues dans cette œuvre magistrale n’aient été élaborées de très bonne heure, puisqu’elles dominent l’ensemble du système.

La Psychologie d’Aristote occupe donc, quant à la date probable de sa composition, une place intermédiaire entre la Physique et la Physiologie, d’une part, la Métaphysique de l’autre. Elle exprime bien la double tendance, expérimentale et idéaliste, qui se manifeste dans l’œuvre entière du maître. La thé de l’âme est comme moyen terme qui unit la science de la nature à la théologie.

Nous ne pouvons songer à suivre M. Wallace dans son analyse toujours exacte, souvent pénétrante des principales doctrines contenues dans le Traité de l’âme. Nous ne nous attacherons qu’à un point, qui nous a semblé particulièrement intéressant : c’est l’interprétation qu’il donne de la théorie de l’Intellect ou de la Raison.

Aux yeux d’un psychologue moderne, le rôle principal de la raison serait de comparer entre elles et d’interpréter les données de la sensation, de concevoir ces objets que le sens ne saurait saisir directement, tels que le nombre, la figure, le mouvement, la durée, etc. Mais, pour Aristote, ces connaissances sont l’œuvre du sens commun, lequel n’est, après tout, qu’un sens comme les autres. Que reste-t-il donc à faire à la raison ? On sait qu’Aristote distingue deux sortes d’intellect : l’intellect passif et l’intellect actif. L’intellect passif ne fait qu’élaborer et systématiser, par les procédés discursifs, les matériaux de la pensée. L’intellect actif, selon M. Wallace, — dont l’opinion sur ce point se rapproche beaucoup de celles d’Alexandre d’Aphrodisias, d’Averroès, de {MM. Renan et Brentano, serait ce qui rend les choses intelligibles et en fait des objets pensables, pour l’intellect passif. Prise en soi la nature n’est qu’une simple puissance aspirant à l’acte, un mouvement, un devenir ; elle n’est intelligible que par les formes qui déter-