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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/575

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ANALYSES.wallace. Aristotle’s psychology.

encore pour sa théorie d’une raison créatrice, ou intellect actif comme condition de l’exercice de la pensée ordinaire. Quelque incomplète et fragmentaire que soit cette théorie, elle n’en est pas moins l’affirmation fort claire de la priorité de la pensée à l’égard de la matière dans l’univers. Aristote se trouve dans l’obligation de se demander à lui-même comment la pensée pense les choses, comment une force immatérielle peut recevoir et connaître les phénomènes matériels. Sa réponse, nous l’avons vu, c’est que la pensée ne connaît et ne pense les choses que dans la mesure où les choses sont pensées, sont l’ouvrage de la raison, en sorte que notre pensée subjective ne fait que se retrouver elle-même dans les choses extérieures. — 9o Enfin, la théorie d’Aristote sur la volonté est le pendant naturel de sa théorie de la raison. À la place de cette vague et insuffisante conception du θυμὸς de Platon, il nous montre dans la volonté, non plus une faculté distincte, mais l’alliance de la raison et du sentiment, et en même temps Aristote ne perd jamais de vue ce fait que l’appétit tout seul ne saurait conduire à l’action, mais doit être transformé par la pensée en un désir rationnel avant de se manifester dans la conduite. »

Des notes, étendues et nombreuses, rejetées à la fin du volume, éclaircissent les principales difficultés de texte. M. Wallace a mis à profit tous les travaux de ses devanciers, et il nous semble avoir réussi le premier dans l’interprétation de certains passages qui avaient jusque-là résisté aux efforts de tous les commentaires. Nous citerons particulièrement l’explication qu’il donne des quelques lignes où Aristote critique une théorie du Timée (l. I, ch. 2, 404 b, 18).

Dans un appendice, M. Wallace a reproduit les fragments qui nous restent du dialogue intitulé Eudème. S’ils sont vraiment d’Aristote, et M. Wallace paraît assez disposé à le croire, ils sont intéressants en ce qu’ils nous donnent un aperçu de ce que fut la doctrine exotérique du maître sur la question de l’immortalité. On devait y retrouver à peu près toute l’argumentation du Phédon ; plusieurs de ces fragments contiennent la réfutation de la théorie célèbre de l’âme harmonie du corps. L’argumentation d’Aristote, presque identique à celle de Platon, est reprise à peu près mot pour mot par Plotin (Enn. IV, 7). Elle était donc devenue comme un lieu commun dans l’antiquité, et l’on est même conduit à penser qu’Aristote avait continué, par ses ouvrages exotériques, à rendre populaires quelques-unes des doctrines de ce maître, que, dans ses œuvres acroamatiques, il combat avec une sorte d’âpreté voisine de l’injustice.

Y.