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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/598

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mouvoir dans le cerveau le ressort qui ouvre passage au courant nerveux vers les jambes. C’est aussi, en conséquence, sentir les premiers mouvements de la marche à son début cérébral. Aristote dit : — S’il n’existait pas une puissance distincte de l’acte, je ne pourrais me lever quand je suis assis, ni m’asseoir quand je suis levé, car ces deux actes se contredisent. — Malgré le dilemme d’Aristote, je puis marcher en étant assis, ou, si l’on préfère, commencer la marche cérébralement. Cette marche initiale, cette marche à l’état naissant m’est même familière : l’expérience m’a appris, dans mon enfance, quels sont les mouvements à faire pour marcher, quel est le mode d’innervation cérébrale qui aboutit à mouvoir mes jambes ; je connais cela comme je connais mes jambes elles-mêmes, bien que je ne puisse le figurer ni l’expliquer. Et c’est là, psychologiquement, la puissance de marcher. La puissance de mouvement n’est que le mouvement même à l’état naissant, l’innervation à son degré le plus faible, le passage d’un courant nerveux peu intense. Je l’appelle puissance parce que ce phénomène mental est lié, dans mon expérience et dans mon souvenir, à un phénomène plus complet, qui est le mouvement de translation succédant au mouvement de vibration ou à la simple tension cérébrale. Quand j’ai dans ma conscience le premier mode, l’image du second mode s’y associe d’une manière immédiate ; j’attends le second après le premier. Mais en même temps il y a dans mon imagination des idées et images adverses, qui maintiennent le mouvement à son état purement initial, qui le contrebalancent et le refrènent. On a ainsi un mouvement à la fois commencé et arrêté. C’est ce mouvement que j’appelle mouvement possible et contingent, marche possible. Il est déjà actuel à un certain degré, et voilà pourquoi ce n’est pas une pure possibilité abstraite, mais une puissance concrète ; d’autre part, il est contenu et comme avorté, et voilà pourquoi il n’est pas complètement réalisé, actualisé : c’est un mouvement de translation ramené à un mouvement moléculaire de tension ; la conscience de ce dernier genre de mouvement est la tension intérieure, la tendance, l’effort plus ou moins grand. Quelle que soit la valeur métaphysique de la force, de l’effort, du nisus de Leibnitz, de l’ἐνέργεια d’Aristote, toujours est-il que, psychologiquement, la force est la face interne et consciente du mouvement de tension et des mouvements de translation mutuellement contraires. Quant à la persuasion que nous pouvons, elle est une simple induction à l’avenir de notre expérience passée. Je puis marcher signifie : je commence les premières décharges nerveuses de la marche, et la suite viendra, si ces mouvements ne sont pas contrariés, si l’idée de la marche devient prépondérante, si le désir de