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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/627

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BEAUNIS. — comparaison du temps de réaction

n’avons qu’à comparer les trois périodes dans chacune de ces sensations. La troisième période étant supposée égale, la première période étant beaucoup plus courte pour la vue que pour l’ouïe et le tact, on arrive forcément à cette conclusion que l’excès de durée de la sensation visuelle tient à la deuxième période ; en d’autres termes, qu’il faut plus de temps pour la modification de l’appareil terminal rétinien que pour celle de l’appareil terminal acoustique ou tactile. On aurait donc ainsi un moyen de mesurer, non pas absolument, mais relativement la durée de cette seconde période. Seulement, la valeur de cet argument est subordonnée à cette loi dont nous ne sommes pas absolument sûrs, que la troisième période a une durée égale pour toutes les sensations.

Quoi qu’il en soit, le raisonnement précédent ne peut d’aucune façon s’appliquer aux sens du goût et de l’odorat. Pour ces deux sens, en effet, comme on l’a vu plus haut, la première période présente non seulement une plus longue durée, mais encore cette durée est susceptible de varier dans des limites très étendues. Aussi faut-il bien se dire que vouloir comparer le temps de réaction de ces deux sensations au temps de réaction des trois premières, c’est comparer des unités de nature différente et marcher à l’aveugle. On peut, à la rigueur, comparer entre elles les sensations de la vue, de l’ouïe et du tact ; les sensations du goût et de l’odorat ne peuvent qu’être étudiées en elles-mêmes, et toute comparaison ne nous apprend rien sur leur compte.

On pourrait peut-être arriver expérimentalement à connaître la durée de cette deuxième période en faisant agir l’excitation électrique sur les nerfs sensitifs au lieu de l’excitant normal physiologique, et j’ai cru un moment pouvoir arriver à une solution par ce moyen. Mais j’ai vite reconnu que, pas plus que le précédent, il ne conduisait à un résultat. Voici, en tout cas, le principe de l’expérience. Prenons, par exemple, la sensation visuelle. Dans une première expérience, je mesure la durée du temps de réaction par les procédés ordinaires ; j’ai alors les trois périodes mentionnées ci-dessus ; j’obtiens ainsi un chiffre, soit 0 sec. 150. Je fais une deuxième expérience en employant l’électricité ; le courant excite alors d’emblée les filets sensitifs terminaux (troisième période), et je supprime ainsi les deux premières périodes. Le chiffre que j’obtiens dans cette seconde expérience, soit 0 sec. 120, retranché du chiffre de la première, donne 0 sec. 030, différence qui représente la durée des deux premières périodes pour une sensation visuelle, ou, comme la première période est instantanée, la durée de la seconde période. On aurait donc ainsi la mesure exacte de cette durée. Mais, en y ré-