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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/635

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TANNERY. — anaximène et l’unité de la substance

fait, comme nous le supposons, par tous les deux, sous des termes grammaticalement contradictoires, l’Ephésien ayant évidemment conscience que la doctrine contraire est ou peut être soutenue, le Milésien ne le soupçonnant pas.

Pour donner aux questions que nous soulevons une réponse suffisante, nous avons évidemment à discuter ;

1o Les dates de la vie d’Anaximène :

2o Son système cosmologique et les influences dont il témoigne ;

3o L’influence au contraire qu’il a pu exercer sur Héraclite, ou sur d’autres penseurs.

II

l’époque d’anaximène

La donnée d’Apollodore, qui fait naître Anaximène vers la 63e Olympiade, c’est-à-dire au plus tôt en 528 av. J-C., serait, comme en général les renseignements chronologiques provenant de cet auteur, à l’abri de toute suspicion, si Diogène Laërce (II, 3) n’ajoutait pas que le fils d’Eurystrate mourut vers l’époque de la prise de Sardes, ce qui, en admettant qu’il s’agit de celle qui eut lieu en 496 lors de la révolte de l’Ionie sous Darius, ne laisse, pour la vie du physiologue, qu’une durée paraissant bien courte.

Comme d’ailleurs, dans Suidas, il est expressément parlé de la prise de Sardes par Cyrus (546), comme correspondant à la date où Anaximène, non pas mourut, mais bien florissait (γέγονεν), comme l’olympiade correspondante est indiquée par Hippolyte pour l’ἀκμή du Milésien, Deils a ingénieusement conclu qu’il fallait intervertir dans le texte de Diogène les dates données, rapporter la première à la mort, la seconde à l’époque moyenne de la vie, fixée ainsi précisément un an après la date de l’ouvrage d’Anaximandre.

Mais il est plus facile de prendre des libertés avec les textes d’Apollodore que de les justifier pleinement, et il y a, dans l’hypothèse de Deils, un rapprochement trop douteux entre le γέγονεν de Suidas et le γεγένηται du chronologiste. Celui-ci a d’ailleurs l’habitude de préciser beaucoup moins la date de la mort que celle de la naissance, sur laquelle il pouvait trouver des renseignements dans les écrits des philosophes, comme cela paraît constaté par exemple, pour Anaximandre et pour Démocrite. Quant à ne parler que de l’ἀκμή, il semble qu’il eût préféré se taire.

À la vérité, le texte de Suidas peut suffire pour prouver que la