Aller au contenu

Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/636

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
626
revue philosophique

prise de Sardes mentionnée par Diogène Laërce est celle de 546, pour constater en conséquence un anachronisme dans l’un ou l’autre des renseignements qu’il fournit. Mais rien n’indique qu’il les puise à la même source, et il est plutôt à présumer qu’Apollodore s’est tu sur la date de la mort d’Anaximène, comme il s’est tu pour la mort de Thalès, et qu’il n’a rien précisé en fait non plus pour celles d’Anaximandre et de Xénophane, après avoir indiqué l’époque des naissances.

Dans cette hypothèse, nous avons cependant à expliquer d’où peuvent provenir les autres données qui reculent la naissance d’Anaximène. Cette explication n’est peut-être pas trop difficile à donner.

Remarquons en premier lieu que les premiers auteurs qui se sont occupés de l’histoire de la philosophie, n’ont que des renseignements très vagues au point de vue chronologique et qu’ils ne s’occupent guère de les faire concorder. Pour ne pas parler d’Aristote, Théophraste fait d’Anaximène l’ami d’Anaximandre et le maître d’Anaxagore, comme il faisait de Xénophane le disciple du premier physiologue Milésien et le maître de Parménide.

Tous les doxographes qui copient l’un après l’autre les renseignements provenant de Théophraste, répètent imperturbablement pour Anaximène, les deux données qui sont contradictoires, puis qu’Anaxagore ne naquit que vers 500 avant Jésus-Christ. Mais quand les Alexandrins, et ce ne fut guère avant le commencement du iie siècle[1], se proposèrent d’établir régulièrement la succession des philosophes, il fallut bien se décider et rapprocher Anaximène, soit du premier Milésien, soit du Clazoménien. En l’absence de données précises, le compatriote eut naturellement la préférence, et si les recherches chronologiques déjà faites (par Eratosthène ?) avaient permis de fixer les dates de la vie d’Anaximandre, on plaça au sentiment, d’après celles-ci, un peu plus haut, un peu plus bas, l’époque de la floraison pour le fils d’Eurystrate, en lui donnant de quinze à vingt-cinq ans de moins qu’à son précurseur (dates d’Eusèbe, d’Hippolyte et de Suidas). Quand un peu plus tard, Apollodore indiqua une époque toute différente, les historiens de la philosôphie avaient leur siège fait..

Comment maintenant une des dates données pour la floraison se trouve-t-elle, chez Diogène Laërce, transformée en date de la mort ?

  1. Dans sa thèse De fontibus Diogenis Laertii, Bordeaux, 1881, M. V. Egger a établi qu’en ce qui regarde les διαδοχαί, Diogène Laërce suit, de seconde ou de troisième main, l’ordre adopté par Sotion qui écrivait vers 200-175 etqui n’avait pas été devancé comme auteur de Successions.