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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/640

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de Pythagore, d’autant que l’on sait par Archimède que cet ordre des planètes fut longtemps rejeté par les astronomes de profession.

Mais cet indice, d’ailleurs absolument isolé, n’a aucune valeur. Nous n’avons au reste à le discuter que dans notre hypothèse qui date l’œuvre d’Anaximène des premières années du ve siècle. À ce moment, l’influence exercée par Pythagore à Samos a dû s’effacer, et l’écho de ses doctrines professées en Italie ne doit pas encore retentir assez fort sur les côtes de l’Asie Mineure pour qu’on les regarde a priori comme connues d’Anaximène.

Les progrès réels de l’astronomie hellène semblent d’ailleurs s’être accomplis tout à fait en dehors de l’école de Pythagore : C’est précisément vers la seconde moitié du vie siècle que se placent les premiers qui font profession d’observer les astres, qui distinguent régulièrement les constellations, et s’occupent du calendrier[1]. Depuis la conquête perse d’ailleurs, les conceptions cosmologiques de la Chaldée pouvaient se communiquer plus facilement en Ionie, et il est précisément remarquable qu’Héraclite ait adopté l’ordre de situation, — terre, lune, soleil, cinq planètes, étoiles fixes — que nous soupçonnons chez Anaximène, et que nous trouvons chez les pythagoriciens.

Que cet ordre ait été celui des Chaldéens, il n’y a pas de doute, mais qu’il ait été professé par Pythagore lui-même, on peut le mettre sérieusement en question. Quelles qu’aient été en réalité ses connaissances astronomiques, le mystique Samien qui appelait les planètes « les chiennes de Perséphone[2] », a bien pu ne pas se prononcer à cet égard, et comme l’on peut parfaitement constater l’adoption, après lui, par son école, de données scientifiques très postérieures (notamment le cycle d’Œnopide et la théorie des

  1. Principalement des Eoliens, Cléostrate de Ténédos, Matricétas de Méthymne. On sait que l’année civile des Hellènes était lunaire, et que le commencement en était donc mobile par rapport au solstice d’été, qu’il devait suivre régulièrement ; l’année agricole était au contraire réglée de toute antiquité par les levers et couchers de constellations, — les Pléiades, les Hyades, Orion, Sirius, l’Arcture, (Hésiode). La concordance à établir entre l’année lunaire et l’année sidérale, d’une part, de l’autre la croyance que les changements de temps sont dus à l’influence des constellations et peuvent être prédits par l’observation de leurs levers et couchers, furent les deux mobiles pratiques qui déterminèrent le développement de l’astronomie helléne. Auaximène, en attribuant les changements de temps à l’influence seule du soleil (Placita, II, 19), combat précisément un préjugé que partagèrent ou auquel se soumirent tous les astronomes de l’antiquité. À tout calendrier était joint un almanach prédisant le temps (parapegme), d’après les levers et couchers des étoiles.
  2. Aristote dans Porphyre (Vit. Pyth. 41).