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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/647

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TANNERY. — anaximène et l’unité de la substance

ultérieur était forcé. Cependant nous pouvons remarquer qu’elle entraîne nécessairement dans la supposition de la révolution générale, cette conséquence que le mouvement propre (d’occident en orient) des planètes doit être d’autant plus rapide que l’astre est plus rapproché de la terre. Elle concorde donc avec l’ordre attribué à Pythagore et que nous avons admis comme reconnu par Anaximène et probablement emprunté aux Chaldéens.

Nous voyons aussi que cet ordre est également reconnu par Héraclite avec des arguments qui paraissent empruntés à Anaximène, et la coïncidence est d’autant plus remarquable que l’ordre en question obtint plus tardivement l’assentiment général.

Si nous revenons au rapport chronologique entre le Milésien et l’Ephésien, nous avons d’abord à remarquer que l’écrit du dernier dut, comme l’a très bien montré Ed. Zeller[1], être composé entre 418 et 470. Héraclite doit au reste être né à très peu près vers la même date qu’Anaximène, en admettant la donnée d’Apollodore pour celui-ci. Mais rien n’empêche, je le répète, de supposer que le Milésien rédigea ses opinions vers trente ans au plus, c’est-à-dire dans les premières années du ve siècle. Dans ces conditions, il est parfaitement possible d’admettre que ce fut pendant l’intervalle de vingt ans ou environ qui suivit, que la lente évolution de la science d’une part, de l’autre, la propagation des opinions pythagoriciennes et des vers de Xénophane amenèrent tout penseur à se poser désormais explicitement, en Ionie comme en Italie, la question de la limitation ou de l’infinitude de l’espace. Pour les Milésiens, cette question n’existait pas, semble-t-il, et les premières réponses qui y furent faites par Héraclite et Parménide furent en faveur de la limitation, implicitement supposée jusque-là par les physiologues. Telle serait la conclusion de cette longue discussion.

V

l’unité de substance

Si Anaximène avait profondément modifié la cosmologie du premier Milésien, il suivit de plus près les explications que celui-ci avait données des phénomènes physiques. Se contentant de les compléter et de les développer, il ne dépassa pas d’ailleurs le cadre tracé

  1. Traduction Boutroux, II, 100, note.