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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/650

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sant à des découvertes qui seront pour elle de nouveaux soutiens. Mais ce que je voudrais faire ressortir, c’est que non seulement la vérité n’en est nullement démontrée à l’heure actuelle, mais qu’encore et quelles que soient les vérifications que puisse lui apporter l’expérience, elle sera toujours indémontrable.

Pour s’en rendre pleinement compte, il suffit de cette simple réflexion, que cet éther auquel il s’agit d’identifier les dernières particules de la matière, est et sera toujours une pure hypothèse ; l’identification rêvée ne peut donc avoir un autre caractère.

Qu’actuellement l’existence de l’éther ne soit rien moins que démontrée, ce n’est même pas à discuter. Qu’elle ne puisse jamais l’être, c’est peut-être une thèse plus hardie, mais il me semble qu’elle peut se soutenir comme suit.

Nous admettons pour l’existence de la matière deux sortes de preuves, les unes empruntées au témoignage immédiat de nos sens, les autres conclues d’un raisonnement.

Les premières sont évidemment à écarter : si l’éther existe, il ne peut influer sur nos sensations que par l’intermédiaire de la matière pondérable, puisque nos organes sont construits avec une pareille matière et que nous vivons nécessairement dans un milieu également pondérable. Nous ne percevons donc que des mouvements de la matière pondérable, et l’éther n’est imaginé que pour transmettre ces mouvements, nullement pour les produire.

Nous sommes ainsi ramenés aux preuves conclues d’un raisonnement ; or ce raisonnement peut être soit inductif, soit déductif. Mais pour l’éther, l’induction est exclue, puisqu’elle ne peut procéder que suivant des analogies avec les substances tombant directement sous nos sens, et que, par la nature même de son hypothèse, l’éther doit être tout différent.

Quant à la déduction, pour constituer une démonstration, il faudrait qu’elle fût conduite de manière à établir que si tels phénomènes se produisent, il faut nécessairement qu’il existe une substance ayant telles ou telles propriétés. Or le problème se présente de façon à ne pouvoir être traité que mathématiquement, et la science est cependant loin d’être assez avancée pour qu’il puisse être sérieusément traité ainsi. On s’est donc contenté de tâtonner, d’imaginer à priori des propriétés et de vérifier si elles satisfaisaient aux conditions de l’expérience. Comme on n’est pas encore arrivé en fait à établir ainsi des hypothèses réellement concordantes, on est encore loin de pouvoir examiner si un autre système d’hypothèses ne serait pas possible tout aussi bien.

Mais supposons toutes les difficultés mathématiques résolues et le