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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/651

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TANNERY. — anaximène et l’unité de la substance

problème entièrement élucidé. Pour que les phénomènes lumineux et autres puissent être expliqués, il faut que notre éther ait telles propriétés bien définies. Aura-t-on démontré son existence ?

Le croire serait se faire illusion sur la puissance et le rôle réel des mathématiques. On aura mis l’hypothèse dans les équations, elle en sera ressortie plus complète et plus précise. Mais les prétendues propriétés qui servent à la définir, que pourront-elles représenter en réalité ? Rien que des relations mathématiques entre les conditions des mouvements des parties de la matière pondérable. Ces mouvements sont le seul élément scientifiquement assuré qui ait été posé dans les prémisses. Il ne peut y en avoir un autre dans les conclusions, et avec des relations mathématiques, on ne peut créer une substance.

En résumé, l’unité de la matière chimique est pour nous un postulatum, tout comme pour Anaximène. Que dirons-nous, s’il s’agit de l’unité entre la matière inerte et la matière vivante ?

Je voudrais autant que possible éviter le terrain propre de la métaphysique et je ne poserai donc pas la question entre la matière simplement vivante et la matière sentante et pensante. Mais pour la vie, sans aller plus loin, où en est-on depuis Anaximène ?

On a résolu, il n’y a pas relativement très longtemps, un grave problème accessoire. On a établi l’identité des matériaux chimiques du monde organique et du monde inorganique. Ni creuset ni éprouvette n’ont jamais donné la moindre trace d’une substance exclusivement propre au premier de ces deux mondes.

Il n’en est pas moins incontestable que la vie se présente comme un phénomène d’un ordre tout particulier, irréductible à ceux de l’ordre physique ou chimique. Il y a donc une différence, et si nous savons pertinemment désormais que ce n’est pas dans la matière qu’il faut la chercher, nous n’en sommes pas moins conduits par les faits à un dualisme formel.

Il y a deux manières de tourner la difficulté, objectivement parlant, c’est-à-dire du seul point de vue où la science de la nature puisse se placer.

Ou bien on affirmera que la vie est le cas général, et que si nous ne pouvons pas la constater partout, c’est en raison de la faiblesse de nos moyens d’investigation qui ne peuvent atteindre les particules extrêmement ténues, où siège la vie du monde inorganique. Cette hypothèse est évidemment toute gratuite et n’a rien de scientifique ; elle nous ramène au reste précisément à l’hylozoïsme des premiers Ioniens, sauf à l’adapter aux progrès accomplis depuis eux.

Ou bien on dira que la vie, que nous ne pouvons pas produire dans