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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/657

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fonsegrive. — les prétendues contradictions de descartes

suis, qui m’assure que je dis la vérité sinon que je vois très clairement que pour penser il faut être[1]. »

L’analyse donne donc d’abord l’union de la pensée et de l’existence comme un fait : Cogito, ergo sum, puis la loi idéale de ce fait : Pour penser, il faut être. La synthèse peut alors se faire en sens inverse de l’analyse. Cette synthèse doit même se faire pour que la vérité de l’analyse soit démontrée. Descartes doit donc maintenant construire ainsi un syllogisme : Pour penser, il faut être ; or je pense, donc je suis. « Il n’y a rien du tout qui m’assure que je dis la vérité sinon, etc. »

Cette majeure : Tout ce qui pense est, « lui est enseignée de ce qu’il sent en lui-même qu’il ne se peut pas faire qu’il pense s’il n’existe (synthèse de l’existence et de la pensée dans le fait de conscience). Car c’est le propre de notre esprit de former les propositions générales de la connaissance des particulières[2]. » — « L’erreur qui est ici la plus considérable, dit Descartes en un autre endroit, est que cet auteur suppose que la connaissance des propositions particulières doit toujours être déduite des universelles, suivant l’ordre des syllogismes de la dialectique ; en quoi il montre savoir bien peu de quelle façon la vérité se doit chercher ; car il est certain que, pour la trouver, on doit toujours commencer par les notions particulières, pour venir après aux générales, bien qu’on puisse aussi réciproquement, ayant trouvé les générales, en déduire d’autres particulières. Ainsi, quand : on enseigne à un enfant les éléments de la géométrie, on ne lui fera point entendre en général que, lorsque, de deux quantités égales, on ôte des parties égales, les restes demeurent égaux, ou que le tout est plus grand que ses parties, si ne on lui en montre des exemples en des cas particuliers. » Et c’est faute d’avoir pris garde à ceci que notre auteur s’est trompé en tant de faux raisonnements dont il a grossi son livre[3]. »

Il ne nous reste plus qu’à expliquer maintenant ce passage des Principes où Descartes avoue qu’avant de dire : Je pense, donc je suis, « il faut savoir ce que c’est que pensée, certitude, existence, et que pour penser il faut être[4]. » Il faut reconnaître d’abord que nous portons en nous des idées ou des principes qui forment comme le fond de notre entendement, idées ou principes sans lesquels nous ne saurions rien connaître, de sorte qu’il faut en réalité les avoir auparavant[5]. Mais ces principes ne deviennent clairs et distincts

  1. Disc. de la mét., 4e part., no 3, t.  I, p. 31.
  2. Rép. aux IIes object., no 22, t.  II, p. 57.
  3. Lettre à Clerselier, . II, p. 331.
  4. Principes, 1re part., no 10, t.  I, p. 232.
  5. Ce sont, dit Descartes, « certaines vérités très simples qui, pour être nées