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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/670

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italien et criminaliste distingué de la même école, dit leur fait, non seulement au jury, mais aux tribunaux, qui, toujours en vertu des mêmes vieilles idées, se montrent eux-mêmes si tendres pour les récidivistes endurcis, et aux réformateurs qui proposent de supprimer l’instruction écrite, inquisitoriale, ou de la rendre contradictoire par l’assistance d’un défenseur, et aux partisans de l’adoucissement des peines parmi lesquels nous remarquerons il Lucchini, qui conseille, paraît-il, de substituer à l’emprisonnement la mise aux arrêts des délinquants dans leur propre maison. Toutes conséquences logiques d’à priori classiques sur les droits sacrés de la personne, au mépris des intérêts sociaux les plus évidents. Aussi qu’arrive-t-il ? La criminalité augmente partout (à ce sujet, grande importance attribuée au dernier compte rendu sur la statistique criminelle en France, qui paraît avoir produit sensation en Italie et auquel nous avons consacré un article). Que si, dit Ferri dans une note, la statistique italienne des dernières années semble révéler au contraire une certaine diminution, tout le monde sait que par la manière dont elle est faite, elle ne doit inspirer aucune confiance et porte sur un trop Court espace de temps. (D’ailleurs, information peu conciliable avec la précédente, je lis dans la brochure de Turati qu’en Italie, « de 1863 à 1875, pendant que la population augmentait de 11 0/0, les condamnations à la prison ont crû de 85 0/0 ».)

Pour refouler cette invasion de barbarie intérieure, que faut-il ? Il faut rendre les peines plus rigoureuses peut-être, mais surtout plus adaptées à leur but, qui doit être principalement la défense sociale et très subsidiairement l’amendement du coupable ou plutôt du nuisible, et les varier, non d’après la nature du délit, mais d’après la nature du délinquant.

On ne saurait dans cette voie aller plus loin que Ferri. Les actes délictueux commis dans un accès de folie seront punis par les tribunaux criminels aussi bien que les délits ordinaires. Il avoue qu’il révolte ainsi le sens commun ; mais, dit-il, le progrès des idées, après avoir emporté le préjugé du passé qui imputait leur folie aux fous comme une faute morale, ne peut manquer de supprimer aussi ce préjugé subsistant, qui voit ma faute morale dans les méfaits commis en pleine raison, quoique ces actes, comme ceux des aliénés, soient l’effet fatal d’une organisation spéciale. — Il n’en est pas moins vrai, lui répondrais-je, que l’acte volontaire résulte d’un choix délibéré, libre ou non, que, comme tel, il est susceptible d’être répété par imitation, tandis que l’exemple des crimes des fous restés impunis ne suffit pas à rendre fou, et qu’il y a lieu socialement, au seul point de vue utilitaire même, de distinguer entre des actes contagieux imitativement et des actes dépourvus de ce-caractère capital. De ià l’immunité totale du fou, mais l’immunité seulement partielle de l’homme ivre qui commet un délit. En effet, « ne devient pas fou qui veut, dit très bien Lelorrain (De l’aliéné) ; l’ivresse, au contraire, est à la portée de tout le monde. » Même raisonnement à propos des quasi-délits de tout genre. Un chef