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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XV.djvu/87

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TARDE. — la statistique criminelle

descente. Par la première s’exprime le pouvoir de l’imitation dans son action dangereuse ; par la troisième, le même pouvoir dans son action salutaire ; par la seconde, l’effet de son inaction. En effet, un malfaiteur, en commettant un délit, copie en partie d’autres malfaiteurs (et en partie aussi se détermine par les impulsions de son éducation, de sa classe ou de sa nationalité, imitation d’autre sorte, plus profonde encore et plus puissante) ; de même, un commerçant, en se décidant à ne pas plaider, suit l’exemple de ses pairs ; mais, en se décidant à plaider, au contraire, le plaideur civil n’écoute en général que sa nature (ou encore une fois les impulsions, imitatives en un autre sens, de son éducation de famille et de milieu social\, sans songer beaucoup aux autres plaideurs. Voilà, entre autres explications, l’interprétation qu’on peut donner aux chiffres officiels.

VI

Mais bornons-nous à la statistique criminelle, et concluons encore une fois que le mal croissant, indice d’ailleurs d’une amélioration cachée, exposé par elle à nos regards, n’est imputable ni à la police, ni à la justice, ni à la civilisation, ni même à la loi pénale, mais peut-être bien au refoulement des instincts charitables et au soulèvement des passions révolutionnaires. Cependant méconnaîtrons-nous l’action favorable ou non sur la criminalité, de causes telles que l’instruction, le travail, la richesse et le déclin des croyances religieuses ? Indiquons brièvement notre réponse à ces questions.

Relativement à la dernière, il n’est pas douteux que la peur de l’enfer, pour l’appeler par son nom, a eu beau s’affaiblir et aura beau même s’évanouir tout à fait, au moins chez les adultes, ainsi que le désir du ciel et l’amour de Dieu, les règles et les habitudes morales de nos pères et aussi de notre enfance, que ces sentiments ont contribué à former, n’en subsistent et n’en subsisteront pas moins, mais chaque jour plus ébranlées, plus incapables de résister à l’assaut des convoitises. Il ne faut pas se le dissimuler, le diable a contribué presque autant que le bourreau à former le cœur des Européens passés et présents, même de ceux que la peine de mort et les superstitions révoltent le plus. Chrétienne ou non, la France restera longtemps encore christianisée, de même que, bonapartiste ou non, depuis l’âge organique du Consultat, elle est bon gré mal gré bonapartisée, et même jusqu’à la moelle des os. Cependant cette survivance de la morale religieuse aux dogmes, comme