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qui en viennent aux mains pour s’entretuer ou se blesser ; ils emploient alors le couteau ou le pistolet ; les ivrognes non criminels se frappent à coups de poing, sans donner des signes d’une haine mortelle ; ce qu’ils veulent, c’est jeter leur adversaire par terre, pull him down, comme disent les Anglais ; lorsqu’ils y sont parvenus, ils l’aideront peut-être même à se relever. Une échaffourée de cabaret est souvent sanglante en Italie ; elle ne l’est presque jamais en Angleterre. Est-ce que cela tient à la race ou plutôt au degré de civilisation et d’évolution morale ?

Nous verrons cela ailleurs ; pour le moment, il suffit de constater que le vin a très peu d’effet sur les crimes de ce genre ; mon expérience personnelle m’a toujours démontré, du reste, que les ivrognes devenus meurtriers étaient presque tous connus auparavant par leur méchant caractère, et que souvent ils avaient déjà subi des peines pour des délits de ce genre.

Quant au climat, aux variations atmosphériques, et à celles de la température, du moment que tous les habitants d’une même contrée y sont également soumis, il est clair que leur influence ne peut être considérée, que dans la statistique comparée, comme une des causes des différences entre la criminalité d’un pays et celle d’un autre. Il est hors de doute que les climats chauds sont caractérisés, du moins en Europe et en Amérique, par un nombre plus grand de meurtres, tandis que, dans les pays du Nord, les attentats à la propriété sont la forme prédominante de la criminalité. M. Tarde ne croit pas qu’on doive attribuer cette relation à l’influence pure et simple du climat ; porté comme il l’est à faire une part très large à la civilisation, il fait des remarques très ingénieuses sur le fait que, de nos temps, elle rayonne des pays du Nord, pendant qu’anciennement elle rayonnait des pays du Midi. Mais il convient pourtant que le climat entre pour quelque chose dans le contraste géographique lui-même, et que « les hautes températures exercent une provocation indirecte sur les passions malfaisantes ». Impossible, du reste, de nier cette influence, lorsqu’on rapproche ces considérations géographiques de ce que l’on remarque chaque année dans un même pays, à savoir que le maximum des crimes de sang correspond aux mois chauds, pendant que la criminalité contre la propriété atteint son climax en hiver. M. Ferri a confirmé cette loi, en comparant les variations de la température pendant plusieurs années de suite, et en les mettant en regard du nombre d’attentats à la pudeur qui ont eu lieu dans chacune de ces mêmes années[1].

  1. Voir une critique de cette théorie dans les Archives d’Anthropologie criminelle, 1886, nº 6, par M. Colojanni…