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GAROFALO.l’anomalie du criminel

On sait que Buckle a poussé jusqu’à l’exagération l’influence du milieu physique sur le tempérament prédominant et sur le caractère d’un peuple. Mais, comment la mesurer, cette influence, du moment qu’elle est si intimement liée à d’autres éléments ? Ce qu’on nomme le caractère d’une race dérive-t-il principalement du climat ou de l’hérédité ? L’anthropologie est favorable à cette dernière opinion ; elle a l’appui de l’histoire qui démontre la persistance des caractères de certains peuples depuis la plus haute antiquité, et surtout les différences immenses de caractère entre peuples habitant sous un même isotherme, parfois dans la même région, mais appartenant à des races diverses.

D’ailleurs le climat étant un élément inséparable de la vie d’un peuple civilisé, son influence sur la production des crimes est constante comme celle de l’hérédité. Que le principal élément du caractère d’un peuple soit la race ou le climat, la solution de cette question est à peu près inutile pour nous, puisque l’une et l’autre agissent sur un peuple tout entier, non pas sur des individus. Ce qui nous importe, ce n’est pas de mesurer les influences qui façonnent le caractère des nations, mais celui des individus au sein d’une même nation. Aussi, nous faudra-t-il étudier, dans la suite, l’influence de ces agents extérieurs qui agissent d’une façon toute différente sur les individus, tels que les exemples, les traditions, la vie de famille, l’éducation, les conditions économiques, la religion, la législation, tout ce que, en un mot, on désigne sous le nom de milieu social.

Nous verrons alors que, quoique, comme nous l’avons déjà dit, ces causes extérieures soient très sensibles sur l’espèce de criminalité dont nous venons de parler, elles sont bien plus agissantes encore sur l’autre espèce de criminalité, celle qui attaque les différents genres de propriété. Pourtant, elles n’empêchent pas de démêler ici-même un élément individuel, qui n’en dérive pas directement, mais qui préexiste dans l’organisme du criminel. Sans doute le sentiment de probité est bien moins instinctif que celui de la pitié ; ou plutôt, il n’est pas dans un état de stricte dépendance de l’organisme ; il est plus moderne, et représente une couche superposée, presque superficielle du caractère, de sorte qu’il est moins transmissible par hérédité ; il n’a pas enfin cette nature uniquement congénitale, qui rend impossible d’en remplacer l’absence par l’éducation.

Pourtant, il y a des cas très marqués où l’improbité est réellement congénitale. Plusieurs fois, au sein d’une honnête famille, il arrive qu’un enfant se distingue par l’instinct du vol, qu’il est impossible d’attribuer à l’éducation ou aux exemples reçus en commun avec ses frères et sœurs. Dès son plus jeune âge, ce petit être, dont la naissance