Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/268

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
258
revue philosophique

parait n’avoir d’autre but que de couvrir de honte sa famille, vole les objets des amis de la maison, ceux même des domestiques, et les cache, les vend quelquefois pour se procurer le moyen de satisfaire quelques-uns de ses désirs. On voit donc qu’un instinct pareil n’a rien de commun avec cette forme d’aliénation appelée cleptomanie, parce que, dans ce dernier cas, c’est l’action même de voier qui, par le plaisir pathologique qu’elle produit, est le but unique du voleur. Celui-ci ne recherche par là aucun avantage ; il ne se soucie pas non plus de cacher ce qu’il a pris ; il ne s’en sert pas, il rend même spontanément. Au contraire, dans le cas de l’improbité congénitale, le voleur a souvent recours à la ruse, et, pour ne pas se laisser découvrir, il est prêt à calomnier les autres. Lorsqu’un penchant pareil ne peut pas être attribué aux mauvais exemples, ou à l’hérédité directe, on ne peut l’expliquer que par l’atavisme. On ne saurait, en effet, se rendre compte différemment d’un instinct dégénéré, qui est tout à fait opposé à ceux de la famille du délinquant.

Il faut dire toutefois que le cas le plus fréquent est celui où l’improbité est héritée directement par les parents, et qu’en même temps, les exemples que l’enfant en reçoit font devenir la continuation de cette hérédité naturelle toujours plus agissante. L’instinct est alors à la fois congénital et acquis ; l’élément organique et l’élément extérieur sont tellement unis, qu’il est impossible de les démêler.

Enfin, en dehors de la famille, et de son influence sur la formation des instincts pendant la première enfance, il y a des milieux qui sont surtout favorables au développement des instincts rapaces. Ce ne sont pourtant que des cercles étroits, deux ou trois méchants compagnons, quelquefois un seul ami, qui suffisent pour entraîner aux crimes contre la propriété. Ces crimes, en effet, n’étant presque jamais justifiés par les préjugés ou les habitudes de tout un peuple ou de toute une classe sociale, n’acquièrent pas de caractère endémique, comme certains attentats envers les personnes. C’est pourquoi le voleur ne devient tel, hors les cas d’un instinct marqué dès l’enfance, que par l’influence de son milieu particulier, celui qui l’entoure immédiatement ; l’éducation et les exemples jouent ici le rôle principal. Il n’y a que peu d’exceptions : le brigandage, par exemple, devenu parfois endémique dans quelques contrées, telles que la Grèce, la Calabre, les Pyrénées ; mais le brigand y est considéré alors plutôt comme un révolté que comme un voleur ; il est en guerre ouverte avec le pouvoir social ; il le défie les armes à la main ; il risque sa vie à tous moments ; il a enfin quelque chose de chevaleresque, qui le rend sympathique même aux populations dont il est le fléau. Des peuples entiers se