origine commune ; et seulement de nos temps peut-être tous les hommes, quelle que soit la race ou la religion à laquelle ils appartiennent.
La pitié existait dès les commencements, seulement elle était loin d’être cosmopolite, elle ne l’est pas encore tout à fait, quoi qu’on en dise, et la preuve en est le traitement cruel que les armées des nations de l’Europe infligent, même aujourd’hui, aux Berbères, aux Indo-Chinois pour qui on ne respecte pas les lois humanitaires de la guerre moderne[1]. Cela explique que, à une époque moins éclairée, les indigènes de l’Amérique n’étaient pas des hommes pour les Espagnols ; que quelques siècles auparavant, les Maures, les Sarrasins, tous ceux qui n’étaient pas chrétiens, les hérétiques, les Albigeois, ne méritaient pas plus de pitié que des chiens enragés. Ils n’étaient pas les semblables des catholiques ; ils en diversifiaient autant que l’armée de Satan de celle de l’Archange Michel ; ils étaient les ennemis du Christ dont il fallait extirper la souche. Ce n’est pas le sentiment de la pitié qui faisait défaut, c’était la ressemblance qu’on ne voyait pas, sans laquelle la sympathie, origine de la pitié, n’était pas possible.
Il a fallu le xixe siècle pour faire pousser à Victor Hugo ce cri triomphant, mais exagéré, du cosmopolitisme : « Le héros n’est qu’une variété de l’assassin. » Pour voir ce que c’est que l’évolution d’un sentiment, comparez à ce cri l’inscription cunéiforme qui raconte comme quoi le roi Assur-Nazir-Habal fit écorcher les chefs d’une ville ennemie tombés entre ses mains, en fit enterrer d’autres tout vivants, en fit crucifier et empaler plusieurs[2]. Il y a eu progrès, disons-nous, dans l’expansion de ce sentiment, qui, borné, dans les temps préhistoriques, aux seuls membres d’une famille, n’a maintenant d’autre limite que l’humanité, et même tend à la surpasser par la zoophilie, c’est-à-dire la pitié pour les animaux.
Mais ce même sentiment dont l’objet s’est élargi de la sorte, a toujours existé dans le cœur humain, dès qu’un groupe de sauvages a pu se former, dès qu’on a vu autour de soi ses semblables. Que reste-t-il donc des exemples contradictoires ? Pardon, il reste quelque chose : le cannibalisme, le parricide religieux, les sacrifices humains, la vente des enfants, l’infanticide autorisé…
Cela est grave, mais nous espérons avoir raison de ce dernier obstacle.
Ne voyons-nous pas tous les jours des braves gens de notre con-