Les deux faits suivants, sans infirmer cette hypothèse, semblent prouver que l’hyperesthésie invoquée peut aller encore bien au delà de ces limites.
En septembre 1885, nous avions suggéré à X… la photographie d’un bébé au verso d’une carte (roi de trèfle) ; après le réveil, le bébé avait été retrouvé à diverses reprises. — Désireux de constater plus tard la durée de cette hallucination, nous avions mis ce jeu de cartes en lieu sûr.
Quelques instants après ces expériences (environ une demi-heure), la jeune femme s’amusait à une partie de baccarat sans enjeu avec deux amies ; remplissant les fonctions de banquier, elle faisait glisser les cartes, selon l’usage, sans les prendre en mains, lorsque nous vimes tout à coup se produire sur sa figure cette expression de semi-hébétude qui caractérise la réalisation d’une suggestion, et nous l’entendîmes prononcer à demi-voix : « Tiens ! un autre bébé ! » En même temps son doigt écartait, sans l’avoir retournée, la carte qu’elle allait donner, et elle continua sa partie.
La carte ainsi désignée était un autre roi de trèfle !
Pour diverses raisons nous pouvions douter de la sincérité de ce sujet ; dans l’impossibilité de faire une seconde expérience, nous nous étions contenté de noter le fait pour le contrôler à l’occasion.
Tout dernièrement nous avons pu faire le contrôle sur Mlle S… Cette jeune fille en parfait état de santé (apparent du moins), hypnotisée pour la première fois, et sans la moindre connaissance pratique des faits relatifs au magnétisme, a donné du premier coup toute la série des hallucinations, illusions et autres phénomènes afférents au sommeil hypnotique. Là encore, l’hallucination du portrait sur le verso d’une carte à jouer, reproduite après le réveil, a été retrouvée également sur la carte correspondante d’un autre jeu. Ajoutons que la jeune fille se trouvait en visite pour la première fois dans cette famille, et n’avait jamais touché ces cartes.
Hypothèse. — On pourrait admettre que la lumière diffuse suffit à rendre le carton transparent pour certains hypnotiques, comme il l’est pour nous devant une lumière vive, de sorte que le dessin du côté opposé, perçu grâce à cette transparence, constituerait le point de repère qui fait renaître l’hallucination.
Cette explication semble être la plus probable ; il serait intéressant d’en faire la contre-épreuve[1].
Le sujet (le même que dans l’expérience précédente) étant assis et plongé dans le sommeil somnambulique, nous faisons passer successi-
- ↑ Cette contre-épreuve, impossible pour nous en ce moment, faute de sujets spéciaux, pourrait se faire avec des plaques métalliques de différentes épaisseurs, pour éviter ou pour graduer la transparence.
