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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/378

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entendent ce mot. Les hommes seraient libres comme des machines dont tous les rouages fonctionnent sans que rien vienne les embarrasser.

Si maintenant nous en venons à considérer les droits de la société, il est clair que la société, étant la condition pour l’homme du plus grand bonheur ou de l’exercice le plus élevé de l’intelligence, emprunte au droit même du bonheur ou de la raison le droit d’exister, de subsister et de se défendre. Elle a besoin d’employer les moyens les plus efficaces pour se conserver et faire respecter les lois qu’elle édicte. Elle a donc le droit de punir ceux qui contreviennent à ces lois. Il est injuste, disent les partisans du libre arbitre, de punir un homme qui n’a fait que servir d’instrument à la nécessité. Il est indispensable à l’existence de la société, répond le déterminisme, d’assurer le maintien des lois sociales. Or, on y arrive en faisant souffrir l’être dans lequel la contravention à la loi s’est produite avec conscience. On associe ainsi dans cette conscience et, par son exemple, dans les autres, l’idée d’une douleur à l’idée de la méconnaissance de la loi. En vertu du déterminisme des lois psychologiques, les tendances illégales sont réprimées par des tendances contraires. Que si un homme vient à faire courir à la société de trop grands dangers, elle a le droit de se garder de lui par tous les moyens, même par la mort et d’infliger ainsi une terreur salutaire à ceux qui seraient tentés de l’imiter. Il est vrai que la loi ne punit plus au sens ancien du mot ; elle ne se venge plus, elle a pitié des criminels, elle ne cherche plus à proportionner la peine au délit ; il lui suffit d’attacher au délit une peine suffisante pour créer dans la conscience un motif de ne plus le commettre. Elle veut corriger plus que punir et prévenir plus que se venger. Par suite ce n’est pas une justice idéale et distributive que doit poursuivre le législateur pénal ; il ne doit viser qu’à l’utilité pratique. Le meilleur des châtiments est celui qui corrige le mieux et prévient le plus de délits futurs. La peine de mort n’est si discutée que parce qu’elle ôte au criminel tout moyen de s’amender. Nous nous indignerions si l’on traitait le fou en criminel ; ce n’est pas parce que le criminel est plus libre que le fou, c’est parce que le criminel sait ce qui se passe en lui tandis que le fou l’ignore ; dès lors le châtiment peut agir sur le criminel, et n’a aucune action sur le fou. Aussi les déterministes admettent-ils, avec le code pénal, tout comme les partisans du libre arbitre, que la gravité du châtiment doit varier avec le degré de connaissance, de discernement que manifeste le crime. Ils admettent que l’homme est responsable de ses actions, parce qu’il peut répondre, qu’il peut dire comment et pourquoi il les a faites. Cette responsabilité varie donc avec l’intel-