ligence et peut être évaluée en degrés. Plus on a cru l’action mauvaise, plus on est mauvais, plus par suite on a besoin d’être incliné par la peine en sens contraire pour être amendé. Ainsi le glaive de la loi ne risque pas de s’émousser entre les mains des déterministes. La loi proportionnera encore la rigueur de ses coups au degré d’intelligence et de perversité du criminel, mais elle cherchera moins à peser les dispositions du for intérieur et à leur proportionner le châtiment qu’à apprécier le danger que fait courir à la société l’action criminelle ainsi que les dispositions caractéristiques plus ou moins dangereuses que les circonstances révèlent dans l’agent ; le châtiment qu’elle préférera sera celui qui lui paraîtra le plus capable de corriger le criminel et d’empêcher qu’on l’imite.
II
Si nous demandons à présent aux partisans du libre arbitre comment ils justifient la dignité humaine, ils nous répondront que, seul de tous les êtres de la nature, l’homme peut, à son gré, changer l’ordre des événements. Ce pouvoir unique crée en l’homme une valeur véritablement absolue. L’homme donc ne doit pas être seulement évalué à un très haut prix, mais à un prix qui dépasse toute estime, il doit être respecté, c’est-à-dire n’être jamais considéré comme un moyen et toujours comme une fin. C’est un raisonnement analogue, nous l’avons vu, que font les déterministes intellectualistes.
Ce raisonnement suppose dans le libre arbitre une valeur qui lui vient uniquement de son originalité. De ce que le libre arbitre est une force qui se distingue de toutes les autres, on en conclut pour elle le droit absolu à se développer sans entraves. Mais est-ce là solidement raisonner ? Faut-il admettre que toute force qui se distingue des autres par un caractère spécial a le droit pour elle ? Personne ne l’oserait avant d’avoir préalablement examiné quels doivent être les effets de cette force. Si les déterministes ont cru pouvoir, sans soulever trop d’objections, considérer l’intelligence comme une fin en elle-même, cela vient de ce qu’il ne parait croyable à personne que l’intelligence pure arrive à de mauvais résultats. Rien ne peut être mauvais de ce qui est raisonnable. Le principe présupposé laisse aux déterministes le champ libre pour leurs spéculations. Mais si l’intelligence était considérée comme une force capable de produire du bien ou du mal selon les circonstances, nul ne consentirait à lui accorder une valeur absolue. La valeur des forces se mesure, non à leur originalité, ni à leur puissance, mais à la bonté de leurs effets. Or, le libre arbitre est une force et une force de sa nature indéterminée. Il