Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/423

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
413
REVUE GÉNÉRALE.marillier. La suggestion mentale, etc.

IV

Le livre de MM. Gurney, Myers et Podmore est consacré à l’étude de phénomènes d’un ordre assez différent. Son titre Phantasms of the Living demande à être expliqué à des lecteurs français, il pourrait égarer sur ce que renferme l’ouvrage. Bien que ses auteurs, et nous aurons à revenir sur ce point, n’aient pas eu exclusivement, en le publiant, des préoccupations d’ordre scientifique, c’est cependant une œuvre scientifique qu’ils ont composée. Leur livre est essentiellement un recueil de faits : les théories, les explications, les discussions n’y tiennent que peu de place, il est rempli presque tout entier par l’exposé des faits, nous dirions volontiers par les dépositions des témoins. Voici quelle est l’espèce de phénomènes sur laquelle porte cette enquête, il arrive parfois qu’au moment de la mort d’une personne un de ses parents ou de ses amis éprouve une hallucination visuelle ou auditive qui lui montre cette personne ou lui fait entendre sa voix. Dans le cas d’extrême danger, de maladie grave, on voit le même phénomène se produire : quelquefois, mais beaucoup plus rarement, semble-t-il, une personne apparaît à une autre sans qu’il y ait rien d’anormal dans son état à ce moment. Ces faits peuvent-ils s’expliquer par de simples coïncidences ou faut-il admettre une action à distance, télépathique, suivant l’expression qu’emploient MM. Myers et Gurney, de l’un des esprits sur l’autre ?

Tel est le problème que se sont posé les auteurs pour le résoudre ils ont ouvert une vaste enquête dont ils nous apportent les résultats. Ils ont recueilli un grand nombre de faits et publié seulement ceux qui leur paraissaient concluants : le nombre total qu’ils citent est de 702. Ils en ont fait entrer dans le corps de l’ouvrage 357 qui leur paraissaient mieux établis que les autres et qu’ils connaissaient par des témoignages de première main : ils ont rejeté dans un supplément tous ceux qui ne leur sont connus que de seconde main ou qui leur semblent ne pas présenter de suffisantes garanties contre les chances d’erreur. La question ne se pose pas, pour MM. Myers et Gurney, comme elle se poserait pour nous. Les expériences que nous avons citées plus haut les ont en effet convaincus que dans certaines conditions, les sensations, les images, les pensées, peuvent réellement se transmettre d’un individu à un autre. Si l’on admet le fait comme démontré, si on le rapproche des expériences qui ont semblé établir qu’un esprit peut agir sur un autre à des distances parfois considérables, il deviendra assez naturel de faire l’hypothèse que lorsqu’une personne aura vu lui apparaître un de ses proches mourant, que le moment de la mort aura coïncidé exactement avec l’hallucination, c’est parce que l’esprit du mourant aura exercé sur le sien une certaine action. Je sais que, dans ce cas même, bien des objections viendraient à l’esprit, et j’en indiquerai plus loin quelques-unes. Mais du moins il serait aisé de