comprendre qu’en présence de phénomènes assez obscurs et difficiles à interpréter, nous fussions tentés de les ramener à des phénomènes connus et de les expliquer par eux. Seulement la preuve de la transmission de la pensée ne nous semble pas faite à ce point qu’elle puisse servir d’explication à des phénomènes d’un ordre un peu différent : il y a lieu à revenir sur les faits expérimentaux, et nous ne serons pas, avant longtemps, me semble-t-il, en droit de conclure. C’est donc aux hallucinations véridiques, à nous prouver à elles toutes seules la nécessité d’admettre une action mentale à distance. Dès lors le problème change de face. Nous ne sommes plus en présence d’un ensemble de phénomènes dont les conditions nous échappent et que nous tentons d’expliquer par l’action d’une cause connue d’ailleurs : c’est de l’étude même de ces phénomènes qu’il nous faudra conclure l’existence de cette cause par laquelle nous voulons précisément les expliquer. Les auteurs des Phantasms of the Living l’ont si bien senti qu’ils avouent que sans leur croyance très ferme dans la transmission de la pensée, croyance qui repose sur les expériences que nous avons citées, ils n’auraient pas entrepris leur travail. Nous savons que s’il est souvent très difficile d’établir par l’expérience l’existence d’une loi, je veux dire, d’un rapport constant de succession ou de coexistence entre deux phénomènes, ce n’est guère que par l’expérience que nous y pouvons parvenir. C’est par l’expérience seule que nous sommes en état d’interpréter les phénomènes complexes qui nous sont donnés dans la réalité et d’en comprendre la signification vraie. La valeur des conclusions de MM. Myers et Gurney dépend donc en très grande partie des résultats que nous donnera par la suite l’étude expérimentale de la transmission de la pensée.
Voyons maintenant ce que valent les faits mêmes qu’ils ont recueillis. Ce qui frappe en lisant leur livre, c’est que ce qui constitue l’importance des témoignages qu’ils rapportent, ce n’est pas tel ou tel élément commun à tous les faits. Chaque fait contribue à la preuve tout entier pour avoir une valeur il faut qu’il soit rapporté dans toutes ses circonstances, tel qu’il s’est passé. Si j’étudie les hallucinations, pour chercher à en établir les lois générales, je n’aurai qu’à recueillir un grand nombre de phénomènes de cette espèce, et à rechercher les caractères communs qu’ils présentent. Le plus ou moins de certitude de telle ou telle circonstance particulière n’ajoutera ni n’enlèvera rien à la valeur de mon travail. Si je veux déterminer la loi suivant laquelle bat le cœur d’une grenouille, peu importe que je me trompe en rapportant mes expériences sur le nombre des personnes qui étaient dans mon laboratoire, sur la place où j’ai posé le scalpel dont je me sers, sur l’heure qu’il était au moment où je faisais mes recherches : j’aurai beau ignorer ce que j’ai fait ce jour-là et quelles personnes j’ai rencontrées, mes expériences vaudront ce qu’elles valent en elles-mêmes, ni plus ni moins. Mais ici toutes les circonstances importent, et nous ignorons si celles que nous omettons n’avaient pas précisément un