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Or, en fait, M. Bérillon a lu son travail une demi-heure avant la clôture du Congrès, auquel je n’aurais pas, en tout cas, fait perdre beaucoup de temps.

D’autre part, m’occupant moi-même d’hypnotisme depuis trois ans, tenant en grande estime les très remarquables travaux de M. Liégeois et du professeur Bernheim, dont j’ai suivi les expériences à l’hôpital de Nancy, je n’ai aucun parti pris contre les théories nouvelles. J’estime qu’en les rejetant a priori on ferait preuve d’imprudence et d’intolérance, car elles ouvrent au psychologue un champ de recherches tout nouveau et peut-être très fécond.

Cependant, je me suis refusé à voter l’application de l’hypnotisme à la pédagogie, et j’ai appuyé d’abord mon opinion sur des raisons de fait que j’ai reprises ailleurs (Critique philosophique, nº du 30 novembre, p. 376, 377, 381 et passim), à savoir l’indétermination actuelle des phénomènes qui précèdent et accompagnent l’hypnose, les périls possibles de l’entraînement auquel on entend soumettre le cerveau et l’esprit de l’enfant hypnotisé, la maigreur de la communication, fondée sur un seul fait, enfin le langage obscur et confus de l’auteur, qui paraît placer sur le même rang l’enfant vicieux et le simple polisson. Le premier est un malade auquel il faut donner un médecin et non un pédagogue : dès lors, en ce qui le concerne, l’emploi de l’hypnotisme, qui paraît jusqu’à présent aventureux et prématuré, est peut-être appelé à donner de bons résultats.

Toutefois, il ne s’agit plus ici d’éducation, mais de médication, et M. Marion le reconnaît aussi de son côté (p. 186).

Enfin, en terminant, je me suis demandé non sans crainte si la généralisation d’une pareille méthode était moralement souhaitable, et si l’on pourrait, dans la pratique, s’abstenir scrupuleusement de tout acte contraire au respect de la personne. N’est-ce pas le point de vue auquel s’est placé votre éminent collaborateur ?

Mais cette réserve a porté immédiatement quelques auditeurs à croire que je reprenais l’argumentation soutenue devant l’Institut par M. Desjardins, — ce que je ne faisais nullement, — et ils ont profité de cette occasion pour réfuter l’honorable académicien et défendre la moralité des manœuvres hypnotiques, que je n’avais pas l’intention d’attaquer.

Le souci de protester contre une thèse qui a rencontré à Nancy une vive opposition a donc amené l’auditoire à donner à mes dernières paroles un sens et une importance qu’elles n’avaient point : laissant de côté la discussion des faits et les points précis de ma réponse, on a voulu surtout réfuter M. Desjardins à propos de la communication du Dr Bérillon, qui, d’ailleurs, avait été, je crois, examinée déjà par la section de médecins.

L’auteur a rédigé sa brochure sous le coup de ces préoccupations, et il a mis en lumière les déclarations morales que les différents orateurs avaient tenu à formuler, et qu’ils étaient résolus à faire.

Mes scrupules n’ont point fait dévier la discussion : mais on a sciem-