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Page:Revue philosophique de la France et de l'étranger, XXIII.djvu/462

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du moi. Ce n’est pas ce que je veux faire actuellement. Je prends le personnage d’Adrienne tel qu’il est, sans m’inquiéter de son origine ni de sa valeur, et je veux essayer de m’en servir comme d’un instrument d’observation. L’écriture automatique, manifestation de ce personnage, sera pour un moment, si ce n’est pas trop ambitieux, une méthode d’analyse psychologique. En effet, il y a dans l’esprit des somnambules des opérations qui s’effectuent inconsciemment, c’est-à-dire à leur insu : sur ce point, il n’y a aucun doute possible. Ne sentant pas ces opérations, les somnambules ne peuvent pas les décrire, et nous ne pouvons les connaître que par hypothèse. Sont-elles des opérations, de même nature que les faits psychologiques conscients ? sont-elles des phénomènes purement physiologiques ? nous n’en pouvons rien savoir. Eh bien, chez cette personne que j’étudie, pour une raison ou pour une autre, ces phénomènes inconnus séparés du moi normal se sont groupés en une nouvelle synthèse qui a l’apparence d’une personnalité, ils se sont associés avec un genre particulier de manifestation, les signes de l’écriture, et ils peuvent se faire connaître par eux. Profitons de cette circonstance peut-être accidentelle et sur ces phénomènes, ordinairement inconnus, interrogeons Adrienne : l’écriture automatique des médiums, à mon avis ce n’est pas autre chose, jouera ainsi un rôle utile. Ce genre d’observation n’est pas sans doute dépourvu de toutes chances d’erreur, et l’écriture automatique est loin d’être l’appareil enregistreur des phénomènes psychiques, mais enfin il me semble qu’elle présente ici un moyen, si imparfait qu’il soit, de pénétrer davantage dans la pensée des somnambules. Pour faire mieux comprendre cette singulière méthode, voici un exemple de son utilité. On connaît l’expérience curieuse du portrait : on donne à une somnambule dix cartes blanches et on lui suggère que sur l’une d’entre elles se trouve un portrait ; plus tard on bat les cartes et on les lui représente, elle retrouve sans hésitation le portrait sur la même carte et dans la même position. MM. Binet et Féré ont parfaitement expliqué qu’une association devait se former entre l’aspect du papier, ses taches, sa couleur, etc., et l’hallucination du portrait. Il doit exister dans l’esprit de la somnambule deux phénomènes : 1o la vision d’une tache du papier ; 2o l’hallucination du portrait. Oui, il doit en être ainsi, mais la somnambule n’a jamais conscience que du second phénomène, elle n a jamais vu cette tache de papier qui lui sert à retrouver la carte désignée. Elle se sert d’un artifice et elle ne sait pas lequel, c’est une simulation inconsciente, comme disait M. Bergson[1] ; et cet

  1. Rev. philosophique, nov. 1885.