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A. BINET.intensité des images mentales

donc ici par une nouvelle complication l’affection du sujet venant s’ajouter comme un élément important aux causes d’excitations des images. Il est donc impossible de considérer la suggestion comme une simple association d’idées. L’association d’idées est comme le dessin du phénomène ; il n’en est pas la couleur. Il faut tenir compte et de l’autorité de celui qui parle, et de son ton de commandement, et de l’affection qu’il inspire au sujet. Ces différentes influences ne sont-elles pas, d’ailleurs, celles qui agissent sur nous à l’état normal ? Nous croyons régler notre conduite sur la justesse d’une idée ; nous ne nous doutons pas que ce qui fait la force de cette idée, ce sont ces influences inconscientes qui l’entourent, et que notre vie, qui paraît réglée par notre logique, dépend en réalité de ces petites impressions que nous ressentons sans nous en rendre compte.

Une autre condition augmente chez les hypnotiques l’intensité des images qu’on leur suggère ; c’est leur état d’hyperexcitabilité psychique. Cet état existe aussi pendant la veille d’une certaine catégorie de sujets, mais il est souvent amoindri. C’est ce qui explique pourquoi la suggestion à l’état de veille ne réussit pas indistinctement chez tous les sujets hypnotisables. Il faut, de plus, y ajouter certains procédés de renforcement pour réussir. Pendant l’hypnotisme, un mot prononcé d’une voix sans accent peut être suffisant. Pendant la veille, il faut y ajouter un accent d’autorité, répéter ses paroles et bien fixer l’attention du sujet en faisant précéder la suggestion d’un avertissement quelconque, d’un signal, comme lorsqu’on dit : « Prenez garde à ce que je vais vous apprendre. » Ces précautions ont pour but d’augmenter l’intensité de l’idée suggérée afin de la rendre plus efficace.

Dans l’état de suggestion post-hypnotique (nous appelons ainsi la condition du sujet réveillé du sommeil hypnotique et conservant la suggestion qu’on lui a donnée), dans cet état, la suggestibilité ne nous a pas paru augmentée chez nos sujets. Alors même que nos affirmations étaient dans le cercle d’idées de la suggestion persistante, elles n’avaient aucun succès[1].

Dans les pages précédentes, quoiqu’il ait été question de l’association des idées en général, nous n’entendions parler que de l’association dite de contiguïté ; l’association du mot à la chose signifiée en

  1. Nous n’avons pas pu, pendant l’état de suggestion post-hypnotique, développer des contractures somnambuliques chez nos sujets, ce qui prouve au moins que chez eux l’aptitude aux contractures pendant cet état est moindre que pendant le somnambulisme. Ce qui nous a paru le plus caractéristique dans cette période, c’est, chez un de nos sujets, l’inconscience qui accompagne certaines suggestions. Pendant qu’il accomplit un acte suggéré, il n’entend pas nos demandes, et quelques secondes après l’avoir accompli, il ne se souvient de rien.