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X…, il ne verra pas si cette table est ronde ou carrée… Toute ma valeur, ils n’ont jamais parlé de cela, c’est que je suis un homme pour qui le monde visible existe. » Ce que Gautier appelait le sens artiste, c’est le sens de l’observation.

Enfin, il est une règle de logique élémentaire : c’est que l’expérience négative doit être faite dans les mêmes conditions que la positive. Il n’y a de contradiction que s’il y a identité d’objet[1]. Un auteur dont on contredit les résultats se défait de son adversaire en lui démontrant qu’il a opéré dans des conditions différentes. En fait d’hypnotisme, il convient de distinguer deux ordres de sujets, ceux qui sont hystériques et ceux qui ne le sont pas ; et parmi les premiers, il faut distinguer la grande hystérie de la petite[2].

Supposons que l’expérience négative ait été faite dans des conditions irréprochables. Que vaut-elle ? En physique, en chimie, elle est presque péremptoire. Un savant annonce telle réaction chimique ; on la vérifie en se mettant dans des conditions rigoureusement identiques ; on obtient un résultat différent : il y a contradiction. Il y a un des deux chercheurs qui s’est trompé.

Mais en physiologie et en pathologie, la contradiction est-elle possible ? L’expérience ou l’observation négative d’un clinicien détruit-elle l’expérience ou l’observation positive d’un autre ? En aucune façon : car les phénomènes biologiques sont trop complexes pour qu’on soit certain d’opérer deux fois dans les mêmes conditions.

  1. Exemple : chez W… nous avons fait, M. Féré et moi, un mélange de couleurs imaginaires en superposant l’hallucination d’un carré rouge vu par réflexion sur l’hallucination d’un carré vert vu par transparence. Nous avons obtenu ainsi une teinte conforme aux lois de l’optique. M. Bernheim (Revue philosophique, janvier 1887) refait cette expérience en opérant le mélange des couleurs au moyen du disque tournant. Le procédé est différent : le résultat est différent aussi, et nullement contradictoire. À cette objection, M. Bernheim répond en disant qu’il a fait son expérience avec le concours d’un oculiste distingue, M. Charpentier. La présence de M. Charpentier, si distingué qu’il soit, n’empêche pas les deux expériences d’être différentes. D’ailleurs eussent-elles porté sur le même point qu’elles n’auraient pas été contradictoires, puisque les malades n’étaient pas les mêmes. — Au sujet du point de repère dans les hallucinations, M. Bernheim veut bien reconnaître que nous avons dit précisément dans notre article sur les hallucinations ce qu’il a essayé ensuite de nous démontrer dans ses expériences. C’est la preuve qu’il nous avait combattu sans nous lire. Ajoutons que comme il indique inexactement l’année où notre article a paru dans la Revue philosophique, nous croyons qu’à l’heure actuelle, il ne nous a pas encore lu. Enfin, pour en finir avec M. Bernheim, il prétend que nous commettons une erreur, quand nous disons qu’il a essayé de reproduire la localisation de l’hallucination sur un point fixe, et qu’il n’a pas réussi. Nous le renvoyons son livre, page 103, ligne 11, ligne 15. ligne 39, et page 104, ligne 13 et ligne 30.
  2. Que penser par exemple des auteurs qui jugent le grand hypnotisme comme le fait M. Bernheim, tout en avouant ne pas le connaître de visu ?