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I

On peut distinguer dans le livre de M. Fouillée les trois points suivants : la méthode qui est la méthode de conciliation ; la thèse proprement dite qui se résume dans cette proposition que l’idée de liberté se réalise elle-même par le moyen du déterminisme, et une réfutation de l’indéterminisme, dont s’est enrichie la deuxième édition.

La méthode de conciliation était déjà signalée dans la préface de la première édition. C’est sur elle que se porta, paraît-il, le principal effort de la discussion dans cette soutenance de thèse qui eut un si grand retentissement et dont les assistants gardent encore le toujours vif souvenir. Depuis, l’auteur l’a exposée ici même[1] et l’a défendue contre certaines interprétations inexactes. Il ne semble pas cependant qu’elle puisse être l’objet d’un examen régulier tant qu’elle n’aura pas reçu un développement plus considérable. Pour que la conciliation dont parle M. Fouillée formât une méthode proprement dite, il faudrait, ce semble, que les deux propositions suivantes eussent d’abord été démontrées : 1o la vraie méthode de la philosophie est une méthode historique ; 2o la vérité en philosophie réside dans les principes communs des systèmes contraires. On ne contestera pas en effet que la méthode de conciliation s’applique aux doctrines et non aux faits. On ne concilie pas les faits, on les explique ; et il va sans dire que chaque système a la prétention d’apporter une explication universelle, c’est-à-dire l’explication de tous les faits. — La méthode de conciliation a donc pour objet les conceptions des philosophes qui nous ont précédés ; elle suppose que le principe d’explication doit être demandé désormais à l’histoire des spéculations antérieures et non à des spéculations nouvelles. Or cette proposition est loin d’être incontestable. Il semble même qu’elle ait quelque chose de contradictoire. Car si elle est valable pour nous, pourquoi ne l’aurait-elle pas été pour les philosophes des siècles précédents, successivement jusqu’aux premiers philosophes pour qui elle eût été à la fois vraie et inapplicable ? La méthode de conciliation suppose en deuxième lieu que le principe d’explication se dégage par une simple généralisation des systèmes différents, en sorte qu’il suffit de rapprocher les idées qui leur sont communes pour retenir toute la vérité[2]. Mais ne doit-il pas arriver au contraire que ce

  1. Revue philos., tome VIII. p. 1. La philosophie des idées-forces.
  2. Je me hâte d’ajouter qu’en fait M. Fouillée ne l’entend pas tout à fait ainsi. Il se propose « de rechercher les convergences des systèmes pour réaliser l’idéal