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DARLU.la liberté et le déterminisme

procédé de simplification ne laisse en nos mains, à la place des systèmes vivants qu’il décompose, qu’un caput mortuum, un résidu insignifiant. Les productions de la pensée dans l’ordre philosophique sont des créations originales. En perdant leur caractère d’individualité, elles perdent aussi leur vérité. En fait, chaque système a consisté jusqu’ici dans le développement d’une idée originale, qui a pu être parfois une idée synthétique où reparaissaient des idées antérieures, mais transformées et subordonnées à un point de vue nouveau. Et la méthode de chaque système n’est autre que le procédé de formation de l’idée nouvelle. La méthode de Descartes est celle qui conduit à l’idée du mécanisme ; la méthode de Leibnitz, celle qui conduit à l’idée d’une activité représentative ; la méthode de Kant, celle qui conduit à l’idée d’une législation transcendantale de la nature. Autrement dit, une méthode en philosophie n’est que l’enveloppe d’un système. Si cela est vrai, la méthode de conciliation ne serait donc pas une méthode philosophique proprement dite, impliquant d’avancer tel système déterminé. Elle serait simplement l’expression et comme la formule de la démarche naturelle de la pensée de l’auteur, de cette pensée si ouverte à toutes les idées, si prompte à les saisir, à les attirer au passage par une sorte d’aimantation, les plus diverses, les plus considérables et les plus modestes[1], si agile aussi pour les rattacher à une idée centrale, à une vue personnelle à laquelle, à travers des changements inévitables, elle est demeurée fidèle, et où elle revient toujours pour se retrouver, l’idée d’une liberté radicale conçue comme le principe ou substance des choses, l’idée « libérale » et « libératrice » de la liberté.

II

La réfutation de l’indéterminisme remplit une suite de chapitres qui sont parmi les plus remarquables du livre. M. Fouillée y fait preuve de cette brillante fertilité d’arguments qui lui est habituelle, mais il a donné cette fois à sa pensée cette précision achevée qui fait les arguments décisifs. Il n’y a pas lieu de s’y arrêter, parce que les lecteurs de la Revue connaissent ces études qui ont paru d’abord ici, et qui ont donné lieu à des polémiques intéressantes. On peut seulement exprimer le vœu que l’argumentation de M. Fouillée


    de la synthèse ia plus large possible en extension et en compréhension ». Mais si cette synthèse consiste dans le rapprochement des parties communes aux divers systèmes, l’objection subsiste. Si elle se fait au moyen d’une idée supérieure, ce n’est plus la méthode de conciliation qui fournit cette idée.

  1. Qu’on ouvre un livre de M. Fouillée ; on ne parcourra pas les notes placées au bas des pages sans admirer l’étendue et le détail de ses informations.