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doute est supprimé, lorsque c’est par suggestion que l’on communique au scripteur un état de conscience ; alors, on n’a plus à étudier que son écriture, c’est-à-dire un phénomène beaucoup plus objectif.

Cependant, si les recherches de MM. Ferrari, Héricourt et Richet nous paraissent conformes à la meilleure méthode, on peut hésiter sur l’interprétation qu’il convient d’en donner. La graphologie, disons-nous, cherche dans l’écriture l’expression inconsciente du caractère du scripteur ; or, lorsqu’on impose à un sujet une personnalité d’emprunt, il n’est pas du tout prouvé que son écriture soit le résultat direct de sa nouvelle personnalité. Quand un hypnotique qui croit être Napoléon écrit un ordre à Grouchy, il est probable qu’un phénomène d’idéation s’interpose entre sa volonté d’écrire et l’acte ; le sujet copie un modèle mental fourni par le souvenir (si par exemple le sujet a vu des autographes de Napoléon Ier) ou inventé par l’imagination. L’expérience n’a donc pas une grande valeur pour la graphologie.

Nous pensons que cette objection ne peut pas être opposée à la majorité des expériences suivantes, qui ont été faites en soumettant des hystériques hypnotisables, du service de M. Charcot, à des excitations sensorielles et psychiques, pendant que les sujets écrivaient sous la dictée.

Nous avons constaté très nettement que sous l’influence des excitations des sens, comme la vue d’un disque rouge, l’hallucination du rose ou du rouge, un bruit réel ou imaginaire, une odeur forte de musc, ou même une odeur puante, etc., l’écriture s’agrandit et les traits s’épaississent, comme si le sujet sentait le besoin de dépenser un surcroît de force musculaire. De plus, le sujet écrit plus vite.

Les suggestions d’états de conscience excitants, comme la joie, l’amour-propre, l’orgueil, produisent la même écriture dynamogéniée que les excitations de la sensibilité. La suggestion n’est même pas nécessaire pour amener ce résultat. Chez un sujet nous constatons un jour le fait suivant : il écrit sous notre dictée pendant dix minutes des phrases banales, et son écriture conserve pendant tout ce temps une grandeur normale. À un certain moment, nous intercalons dans notre dictée les mots : Vive la République ! aussitôt le caractère graphique s’agrandit, bien que nous n’ayons pas élevé la voix ni soumis l’hypnotique à aucune autre excitation qu’à celle qui résulte du sens de ces paroles. Nous dictons ensuite des phrases qui n’ont aucun caractère émotif, et aussitôt l’écriture du sujet se calme et reprend son caractère primitif.

Cependant quelques-unes de nos expériences nous paraissent susceptibles des mêmes objections que celles de MM. Ferrari, Héricourt