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ANALYSES ET COMPTES RENDUS


Ch. Letourneau.L’évolution de la morale. — Bibliothèque anthropologique. Paris, Adrien Delahaye et Émile Lecrosnier, 1887.

« … Une éthique nouvelle est en voie de formation. Une critique pénétrante a posé les prescriptions morales, formulées par le passé ; elle leur a demandé leurs litres et a ruiné toutes celles qui n’avaient pas pour base l’utilité sociale bien entendue.

« C’est ce nouvel esprit qui a inspiré les pages suivantes.

« Elles n’ont d’ailleurs d’autre but que de retracer l’histoire de l’évolution morale, depuis l’origine des sociétés jusqu’à nos jours. Je me suis efforcé de montrer comment est née la morale, comment et sous quelles influences elle a évolué, quelle en a été la direction dans le passé, ce qu’elle sera dans l’avenir. Mais je me suis bien gardé de formuler rien qui ressemble à un décalogue. Cela, c’est l’affaire des prophètes inspirés. Pourtant quelques grandes indications morales résultent forcément de mon exposé. Peut-être pourront-elles être de quelque utilité aux moralistes, aux pédagogues, aux législateurs. C’est un espoir, du moins, dont j’aime à me bercer. »

C’est ainsi que M. Letourneau présente son ouvrage aux lecteurs et en indique l’esprit et le but, que d’ailleurs ses précédents ouvrages faisaient facilement prévoir. Il applique à la morale les théories de l’évolutionnisme matérialiste, théories bien connues de nos lecteurs, qu’il ne modifie guère et qu’il critique peut-être insuffisamment.

Le livre s’ouvre par une leçon sur « la préhistoire vivante ». La préhistoire vivante nous la trouvons par l’élude des sauvages modernes ; M. Letourneau admet sans grande restriction la théorie qui fait du sauvage moderne le représentant d’un état d’esprit dominant autrefois. Il y a entre les sauvages modernes et les sauvages, préhistoriques des « analogies allant jusqu’à l’identité ». Voici comment l’auteur formule sa conclusion sur ce point : « Les races inférieures contemporaines reproduisent, d’une manière générale, l’humanité primitive ; la préhistoire vit encore sous nos yeux ; l’antiquité passée ressuscite dans l’humanité actuelle… L’homme lentement civilisé en est arrivé à dédaigner et