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tage sur les points où je suis en désaccord avec M. Lelourneau et je m’arrête en recommandant son livre comme un riche recueil de faits bien groupés et bien ordonnés, quoique trop artificiellement, et comme une illustration intéressante du matérialisme évolutionniste.

Fr. Paulhan.

Dr E. Mach.beiträge zur analyse der empfindungen. (Contributions à l’analyse des sensations.) — léna, G. Fischer, 1886 ; VI, 168 p.. in-8o.

Professeur de physique à l’université de Prague, M. Mach s’est fait connaître depuis longtemps par des ouvrages spéciaux. Il s’excuse modestement d’empiéter sur le domaine du physiologiste et du philosophe ; il y a pourtant toute autorité. Il a reconnu que la physique peut tirer avantage des indications de la biologie, et il estime qu’elle ne saurait suffire à la physiologie des sens, qu’on a tenté d’y réduire. De là l’esprit de ses nouvelles recherches.

Le présent livre est plein de faits qui ne pourraient tenir en une courte analyse ; mais les recherches particulières et originales qui s’y trouvent sont en même temps rapportées par l’auteur lui-même à un point de vue plus général.

M. Mach déblaye le terrain de toute entité métaphysique. Les faits sont pour lui des relations, auxquelles sont liées ou correspondent nos sensations, et ces relations croissent en complexité à mesure que nous les analysons. Un objet reste le même, tant qu’on n’a pas intérêt à le décomposer, et il n’est pas de chose en soi qui persisterait sous les attributs qui changent. Notre personne même est un complexe, résoluble en ses éléments ; la constance du moi tient aux changements qu’il éprouve, et les changements de notre moi mettent en jeu notre volonté.

Qu’est-ce que connaître, sinon s’ajuster aux faits, traduire en pensée les faits perçus ou sentis ? Le moi est une unité pratique. Son accommodation aux phénomènes, ou cette représentation intellectuelle des phénomènes, est le but propre de la science ; les lois, les forces, les atomes, et, en un mol, les hypothèses, n’en sont que les moyens. À mesure que nous considérons un plus grand nombre de faits, il surgit des contradictions, des difficultés qu’il nous faut lever en créant de nouveaux faits, en nous représentant de nouvelles relations, et nos sciences se subdivisent à mesure que nous avançons dans ce travail d’abstraction et d’analyse incessant.

D’ailleurs les objets ne sont pas si indépendants de nous, qu’une modification de notre appareil percepteur n’en modifie la figure. Une bille que je regarde me paraît double, si je presse le coin de l’œil avec les doigts. L’étude des sens est donc d’une importance capitale. M. Mach est d’avis que les indications du darwinisme sont très profitables